Quatre ans de travail et 211 pages qui détaillent les mesures de « ségrégation territoriale et restrictions de mouvement, saisies massives de biens fonciers et immobiliers, expulsions forcées, détentions arbitraires, tortures, homicides illégaux ». Le rapport d’Amnesty International qu’Israël souhaitait ne pas voir publié, accuse formellement l’Etat hébreu d’apartheid et aussi de crimes d’apartheid. Un crime contre l’humanité » selon AI qui affirme que ce système est né avec l’Etat d’Israël.
« Notre rapport montre l’étendue réelle du régime d’apartheid d’Israël. Qu’ils vivent à Gaza, Jérusalem-Est, le reste de la Cisjordanie ou en Israël même, les Palestiniens sont traités comme un groupe ethnique inférieur et donc systématiquement privés de leurs droits », a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International. « Depuis son établissement en 1948, Israël poursuit une politique faite pour créer et maintenir l’hégémonie démographique juive. » « C’est ma première visite en Israël-Palestine. Ça m’a choquée jusqu’au fond de moi-même, ce n’est pas la violence, mais la cruauté du système », a-t-elle déclaré lors de la présentation du rapport à Jérusalem.
Ce rapport d’Amnesty International ne constitue pas une nouveauté. Le 27 avril 2021, Human Rights Watch estimait que le gouvernement israélien maintient une domination délibérée de la population juive israélienne sur les Palestiniens et qualifiait d’« apartheid » la politique d’Israël à l’égard des Arabes sur son sol et des Palestiniens dans les territoires occupés. « Depuis des années, nous disons que nous sommes proches de l’apartheid, et je crois qu’il est maintenant clair que le seuil a été franchi », disait Omar Shakir, auteur du rapport de 200 pages. Ce « seuil » a été franchi ces dernières années avec l’essor des colonies israéliennes à Jérusalem-Est et en Cisjordanie occupée, précisait Omar Shakir. HWR parlait aussi de « persécution » et de « crime d’apartheid ». Trois mois plus tôt, 12 janvier mois plus tôt, l’ONG israélienne B’Tselem utilisait ce terme d’apartheid et jugeait que « l’ensemble de la zone située entre la mer Méditerranée et le Jourdain est organisé selon un unique principe : faire avancer et cimenter la suprématie d’un groupe – les juifs – sur un autre – les Palestiniens ». « Nous voulons changer le discours sur ce qu’il se passe ici. L’une des raisons pour lesquelles rien ne bouge, c’est que la situation n’est pas analysée correctement », affirme le directeur exécutif de l’ONG, Hagaï El-Ad. D’autres ONG israéliennes avaient déjà évoqué un apartheid, mais seulement en Cisjordanie. Bien sûr, les Palestiniens affirment vivre cette réalité depuis toujours… Bassam al Salhe, membre du comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) estime aujourd’hui que le rapport d’AI « confirme et conforte la position palestinienne sur la nature des mesures d’occupation israéliennes. Il reflète la réalité de la situation sur le terrain. »
Le ministère des Affaires étrangères israélien avait qualifié le rapport d’HWR de « tract de propagande » sans lien « avec les faits ou la vérité sur le terrain » et rédigé par une organisation mue « de longue date par un agenda anti-israélien ». Cette fois, il accuse Amnesty de « conforter et recycler des mensonges » propagés par des groupes qui cherchent à « jeter de l’huile sur le feu de l’antisémitisme », et de chercher ainsi à « délégitimer Israël ». Israël se base sur la définition, controversée, de l’International Holocaust Remembrance Alliance. Selon celle-ci, « le refus du droit à l’autodétermination des Juifs, en affirmant par exemple que l’existence de l’État d’Israël est le fruit d’une entreprise raciste », est un cas d’antisémitisme. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères affirme que « ce rapport ne fera qu’ajouter de l’huile sur le feu qui brûle dans les rues en Europe, en Amérique du Nord comme du Sud ».
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L’apartheid est défini par deux conventions internationales et le statut de la Cour pénale internationale. C’est un système de ségrégation et de domination d’un groupe ethnique ou racial sur un autre groupe ethnique ou racial dans l’intention de maintenir ce régime. Le crime d’apartheid est la commission d’actes inhumains pour continuer cette domination.