« L’UE est très mauvaise pour nous. Ils ne prennent pas nos voitures ou nos produits agricoles. En fait, ils ne prennent pas grand-chose. Donc ils sont bons pour des droits de douane. » Au lendemain de son investiture, Donald Trump s’est répété en prenant comme à son habitude des libertés avec la vérité : il a chiffré le déficit commercial américain vis-à-vis de l’UE à 350 milliards de dollars alors que selon les données officielles de 2023, il s’élève à 131 milliards et selon d’autres sources à 214 pour 2024.
Mais la véritable question est de savoir quelle sera la réaction de l’Union européenne face à ce qui pourrait devenir une guerre économique, commerciale. L’Amérique de Trump n’a pas d’amis, seulement des rivaux, des concurrents qu’il faut soumettre. L’augmentation annoncée des droits de douane est avant tout un instrument de négociation : frapper fort d’emblée, mesurer les réactions et négocier, conclure un deal avantageux.
L’Union européenne le sait, mais elle a tardé à se manifester. Pour résister, elle doit être unie, mais ne l’est pas. L’Italienne Georgia Meloni, la préférée de Trump, négocie seule, le Hongrois Orban, opposé à Bruxelles joue sa propre carte comme le fera le Slovaque Fico et peut-être les pouvoirs d’extrême droite en Autriche ou aux Pays-Bas.
Mardi, au Forum économique de Davos, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, a assuré que l’Europe était prête à discuter avec le gouvernement américain, et que «nous serons pragmatiques » tout en restant « fermes sur nos principes : la défense de nos intérêts et le respect de nos valeurs.» Toutefois, les intérêts ne sont pas les mêmes chez les 27, tous n’ont pas autant à perdre…
Désunie, l’Europe ne fait pas le poids et se prépare déjà à des concessions. Stéphane Séjourné, vice-président de la Commission européenne, en charge de la stratégie industrielle, déclare que l’Union européenne veut proposer à Donald Trump qu’elle investisse davantage pour sa défense mais lui réclame en échange de ne pas lancer de guerre commerciale. Aujourd’hui, la cheffe de la diplomatie européenne, l’Estonienne Kaja Kallas, est allée dans ce sens en estimant que Donald Trump «a raison» de dire que l’Union européenne (UE) ne dépense pas assez sur la défense. Et elle alerte : «Nous dépensons des milliards dans nos écoles, nos systèmes de santé et notre protection sociale. Mais si nous ne dépensons pas plus dans la défense, tout ceci sera mis en danger . »
La France s’inquiète, apparemment davantage : « Si nous ne faisons rien, nous allons être dominés, écrasés, marginalisés ! » redoute son Premier ministre François Bayrou et le président Macron affirme que s’ « il faut maintenir les relations avec Trump », il faut se « montrer fort, notamment en renforçant l’Union européenne ».
Entre Washington et Bruxelles, il n’y a pas que le commerce, les droits de douane : les nouveaux amis de Trump, les géants de la tech, Musk et Zuckerberg en tête, sont en guerre contre le règlement sur les services numériques (Digital Services Act, DSA), qualifié de « censure », qui fixe les obligations des réseaux en matière de modération des contenus illicites. Ils exigent une totale dérégulation.
Pour l’UE, Trump peut être une chance de grandir, de compter. Make UE great, non pas again, mais finally, enfin.