Il s’était fait un nom à la fin au début des années 80 en reconquérant le nord de son pays occupé par les Libyens en s’élançant au combat à la tête de ses Land Cruiser Toyota armées de mitrailleuses qui remplaçaient les chameaux d’antan. Depuis toujours Idriss Déby Itno, fils d’un berger s’est senti l’âme d’un guerrier, d’un meneur d’hommes. Une fois son bac en poche, il rentre à l’école d’officiers de N’Djamena puis obtient en France sa licence de pilote professionnel en 1979. Trois ans plus tard, il rallie Hissène Habré, l’ancien sous-préfet qui veut renverser le président Goukouni Oueddei. Les deux hommes sont à l’opposé, mais rêvent d’exploits militaires et de pouvoir. En juin 1982, Habré prend le pouvoir, Déby est nommé commandant en chef adjoint puis envoyé en 1985 à Paris à l’École de guerre interarmées où il nouera des amitiés avec des officiers français. De retour au Tchad, il est encore promu mais les relations avec Hissène Habré commencent à se détériorer d’autant que le président, un Gorane, s’en prend aux Zaghawas, l’ethnie de Déby. Le 1er avril 1989, une tentative de coup d’État zaghawa est déjouée et Déby prend la fuite vers le Soudan, le Darfour et perd quelques proches Une fuite que les militaires français à Abéché n’entravent pas.. Des querelles politiques et aussi des différends financiers autour de contrôle de commerces et de taxis dans la capitale…
Au Darfour, le fuyard constitue une armée, reçoit l’aide de pays africains, de l’ancien ennemi libyen et bientôt de la France qui va laisser tomber Hissène Habré qui n’a pas apprécié le discours de La Baule de Mitterrand. Fini le soutien militaire qui est apporté à Déby qui a rencontré en secret à Amsterdam des émissaires français auxquels il promet d’aller vers la démocratie et d’être aux côtés de Paris. Il savait depuis des années où se trouvait son intérêt: en 1982, ne déclarait-il pas: « tant que je défends les intérêts de la France, je ne dois pas m’inquiéter ».
De fait, même s’il oublie ses promesses de démocratie, il est fidèle à Paris qui le soutient totalement oubliant que dans son pays, il réprime,écrase les opposants, emprisonne, tue. Comme du temps d’Habré. Il faut avoir vu les colonnes de prisonniers défiler enchaînés dans les rues de N’Djamena… Intimidation, népotisme, clanisme, tout est bon pour s’imposer. mais le maître absolu a aussi des opposants armés, une guerre civile dure de 2005 à 2010…. En 2006, une rébellion est proche de le battre, les militaires français le savent et veulent s’exfiltrer. Il leur répond alors: je garde le pouvoir ou je meurs au combat. Nouvelle alerte en 2016, nouveau sauvetage. Le maréchal déplaît à Paris mais il est un allié indispensable dans la lutte contre les djihadistes au Sahel… On oublie la maltraitance de sa population, les méthodes brutales, l’enrichissement de ses proches … On oublie, mais on commence à Paris, à s’éloigner de cet ami encombrant quand on réclame à l’Afrique une meilleure gouvernance. Emmanuel Macron n’ira pas à N’Djamena au sommet du G5 Sahel en février et il n’était pas prêt à apporter une aide militaire dans ce nouveau conflit auquel des Zaghawas se sont associés. Idriss Déby Itno est bel et bien un dictateur…
Mort au combat, la fin dont un militaire rêve… mais quel pays laisse-t-il? Un Tchad en guerre où la rébellion du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT) va sans doute avancer vers la capitale qui vivait à l’annonce de la mort de son président tout juste réélu pour un sixième mandat un début de panique avec la fermeture des commerces et des blindés dans les rues. Son fils Mahamat, 37 ans, général à quatre étoiles, dirige un conseil militaire chargé de remplacer le président défunt. Des Zaghawas occupent tous les postes importants. Pas sûr que cela soit suffisant pour que les héritiers tiennent. D’autres Zaghawas sont dans l’opposition aux côtés des Goranes. Les sudistes, méprisés et victimes peuvent rejoindre la rébellion, les populations « se réveiller » tant la situation sociale est mauvaise. L’immense Tchad ne semble pas aller vers l’apaisement…