En 2009, une loi fixait à 64 le quota de femmes à l’Assemblée -sur 518- afin de promouvoir leur rôle dans la société. Aujourd’hui, une jeune femme ne peut pas faire renouveler sa carte d’identité si elle n’est pas accompagnée de son père, une autre ne peut signer seule un contrat de location d’un appartement. En 2017, Abdel Fatah al-Sissi, décrétait « l’année de la femme » sans se soucier du fait que Le Caire soit la ville la plus dangereuse du monde pour les femmes. Et le 21 mars dernier, à l’occasion de la fête des mères, le président qui a écarté par la force les Frères musulmans, se félicite du projet de loi inspiré par l’imam Ahmed Al-Tayeb de l’université Al Azhar qui renforce l’autorité de tutelle accordée aux hommes.
Les maigres progrès réalisés par quelques lois dues à Suzanne Moubarak -dont le droit de demande le divorce- seraient effacés et la femme deviendrait une éternelle « mineure légale ». Pas question pour elle de se marier sans l’accord d’un tuteur, signataire avec l’époux du contrat de mariage et, de ce fait, habilité à l’annuler. Les chrétiennes ne sont pas épargnées. Le projet prévoit de leur retirer la garde des enfants au profit du père si celui-ci se convertit à l’islam. Les droits à une pension alimentaire -rarement versée- seraient remis en cause tout comme l’autorité, déjà réduite, sur les enfants. Pour l’imam Al-Tayeb, « le droit musulman est l’unique source du code de la famille ». Un avocat conservateur et défenseur d’une société totalement patriarcale, Alaa Mostafa, affirme que l’homme est « le gardien naturel » de la famille, que « la tutelle est donnée aux hommes par la religion » et estime que « les hommes égyptiens sont persécutés par les femmes »!
Toutes les associations de défense de la femme sont vent debout contre ce projet de loi « désastreux ». La journaliste Raneem Afifi combat avec des vignettes de bande dessinée et affirme: » La révolution a ancré en nous l’idée que nous possédons nos corps et les voix des femmes se font aujourd’hui entendre. Les réseaux sociaux sont notre dernier espace de contestation ». Cette réforme conservatrice transgresse ouvertement la Constitution égyptienne et les chartes internationales signées par le pays. « La structure de cette loi ne respecte pas les femmes et les dénigrent. Cette réforme ramènerait l’Égypte 200 ans en arrière », dénonce à ce titre Aboul Komsan, auteur de l’étude « Lutter pour les droits juridiques et politiques des femmes : un défi majeur ».
Confronté à cette levée de boucliers, le président Abdel Fattah al-Sissi a promis un débat, sans donner de calendrier. Azza Soliman qui a reçu, en 2020, le prix franco-allemand des droits de l’homme et milite pour une nouvelle loi dépourvue d’influence religieuse, ne croit pas à un revirement progressiste. Selon elle, « comme ses prédécesseurs, le président agit en conservateur qui instrumentalise la cause des femmes uniquement pour redorer son image à l’étranger ». Avec les Égyptiennes en lutte, elle déplore et condamne : « Les femmes sont traitées comme des génitrices dépourvues d’une citoyenneté entière ». Elle milite pour une nouvelle loi dépourvue d’influence religieuse.