La valorisation un peu excessive dont bénéficie chez nous le rap depuis une dizaine d’années suscite des interrogations. Toutes les chaînes télé et toutes les émissions qu’elles diffusent lui consacrent fréquemment une bonne partie de leurs programmes. Même les feuilletons, qui jusqu’ici se limitaient à l’insérer dans leurs génériques, n’hésitent plus à propulser ceux qui le chantent au premier plan en tant qu’acteurs phares.
Il y a derrière cette façon d’agir de multiples raisons. Avant 2011, le rap était interdit parce que jugé trop critique à l’égard du régime et parce qu’il utilisait un langage cru qui choquait plus d’un. Depuis que le pouvoir a changé le fusil d’épaule, il est devenu de bon ton de s’intéresser à un genre musical qui avait souffert de la censure. S’intéresser, oui pourquoi pas ? Mais cela s’est fait d’une manière un peu trop insistante. C’est de ce côté-là qu’il faut peut-être chercher les raisons de cette focalisation.
En plus du fait que c’est un phénomène de mode, le rap est de nos jours l’art de l’underground et de la contre culture, aussi bien en Tunisie que partout ailleurs. Dans nos contrées, bien avant lui, d’autres formes d’expression artistique ont joué le même rôle. Le mezoued en est une. Il a connu le même sort que le rap. Quand la liberté d’expression est garantie, la contreculture monte sur le podium.
Ce qui par contre semble abusif, c’est la pratique de l’exclusion totale des formes musicales établies. Et quand il arrive à certains d’en parler, ils le font timidement ou avec un certain mépris qui dérange aussi bien les mélomanes adeptes du classicisme que les oreilles habituées au malouf et aux voix de Saliha, Ali Riahi, Mohamed Abdelwahab, Fayrouz et autres sommités.
Le rap a fait remonter à la surface une composante importante de la personnalité de base des Tunisiens : le rejet de la différence.