Il y a quelques jours, et dans la perspective de l’avènement de l’Aid, des voix se sont élevées pour demander au Mufti de la république un avis permettant, eu égard à la situation économique, de surseoir au sacrifice du mouton associé à cette fête d’El Idha.
La réponse du Mufti ne s’est pas fait attendre. Rejetant l’appel, il a expliqué que l’acte sacrificiel est une tradition confirmée à laquelle on ne pouvait se soustraire.
Par cette réponse lapidaire, le Mufti a non seulement escamoté un débat qui aurait permis de faire évoluer les idées notamment de nos jeunes générations sur des questions aussi importantes que celles relatives à notre relation aux animaux, à l’environnement, ou encore à l’harmonisation entre l’économique et le cultuel, mais il a surtout fait rater une occasion, encore une, de renouveler notre compréhension des pratiques et devoirs religieux.
Il faut avouer qu’on est loin aujourd’hui du sens véritable, voire des sens, de cette fête sublime qu’est l’Aid El Idha.
On fait tout, en effet, pour faire oublier par un battage médiatique et un matraquage publicitaire, la symbolique valeur de cette tradition qu’est ce combat spirituel qui constitue le noble héritage du Prophète Ibrahim, décidé à sacrifier son fils pour ne laisser en lui que l’amour purifié d’un Dieu unique. L’Islam étant la récapitulation et la synthèse des messages des religions de livres antérieures, le sacrifice du mouton se veut une filiation spirituelle qui remonte à Ibrahim, le prophète de la religion axiale الدين القيّم qui était l’exemple de cette soumission à l’Unique, soumission qui permet de se librer de tout autre faux dieux qu’il soit argent, pouvoir ou autre.
Découlant de cette filiation prophétique abrahamique, la seconde valeur fondamentale de la fête du sacrifice est incontestablement celle de la fraternité. La fraternité voulue par Ibrahim(Abraham) en acceptant de sacrifier son fils. Lequel d’ailleurs ? Isaac pour les juifs, Ismaël pour les musulmans. Cette incertitude est peut-être une preuve supplémentaire de la nécessité du dialogue et de la compréhension qui doivent s’instaurer entre les enfants du prophète patriarche et remplacer les rancunes et les guerres alimentées par des intérêts politiques.
De cet héritage spirituel on ne sait rien, ou presque, car l’ignorance des autres religions dont l’Islam est pourtant la synthèse, est une triste réalité chez nous. On ne sait rien du judaïsme. Et l’on n’en sait pas plus du christianisme.
Que reste-t-il alors du sens ou des sens de l’Aid El Idha? Cette hospitalité sacrée voulue par le Prophète de l’Islam qui ne gardait du mouton sacrifié que ce qui suffisait pour le repas d’une journée? Même pas. Ce qui nous reste en fait, c’est cette avidité de vouloir consommer chacun son mouton. Ce qui reste c’est ce désir renouvelé chaque année de faire de cet Aid une occasion pour festoyer et ripailler. Qui parle encore de partage et de spiritualité?