Il y a quelques jours, on entendait plutôt des bruits de bottes que des paroles d’apaisement et l’inquiétude grandissait: allait-t-on atteindre le point de non retour entre Rabat et Alger? Pegasus, le scandale des écoutes, le soutien apporté par le Maroc aux nationalistes kabyles, les frictions du côté de Figuig et bien sûr le Sahara et le Polisario creusaient un fossé déjà large et profond. De plus, Rabat était en froid avec l’Espagne, l’Europe et la France. Et, côté algérien, l’armée et son patron, le général Chengriha, ne cessent de mettre le Maroc en garde.
Et voilà que Mohammed VI, samedi lors du discours du trône, demande à son voisin de « faire prévaloir la sagesse », d’ « œuvrer à l’unisson », de rouvrir les frontières fermées depuis 1994. Je rassure nos frères en Algérie: Vous n’aurez jamais à craindre de la malveillance de la part du Maroc ». Pour le souverain, » les deux pays font indissolublement corps ».
Un discours d’apaisement, d’amitié propre à réchauffer des relations gravement détériorées. Oui, mais… Depuis qu’il a succédé à son père Hassan II en juillet 1999, chaque discours du trône, ou presque, comprend un appel au frère algérien. En 2014, il déplorait que « les initiatives marocaines responsables se heurtent à une intransigeance et à un refus systématique… Une situation étrange ». En 2019, il disait « garder la main tendue en direction de nos frères algériens ». Pareil l’an dernier…
En face, le président a aussi ces mêmes mots sans que rien ne change. Au lendemain de son élection, Abdelmadjid Tebboune se disait certain que « nos frères marocains nous aiment. C’est d’ailleurs réciproque ». En février 2020, il affirmait que « les Algériens portent une affection sincère pour leurs frères marocains » et que la fermeture des frontières des frontières « a été une réaction douloureuse en réponse au comportement de la partie marocaine ». Frères, mais pas amis. Car si l’Algérien dit garder un « espoir » de résolution, il répond clairement au Point en juin dernier qu' »on ne peut ouvrir les frontières avec des vis-à-vis qui vous agressent quotidiennement ». Pour Alger, le préalable, la priorité est de régler tous les contentieux, de mettre fin aux trafics -niés par Rabat- de drogue et d’armes…
Mohammed VI ne fait pas mention des différends et jamais le royaume ne remettra en question la marocanité du Sahara occidental. L’armée algérienne n’entend pas lâcher le Polisario. Sans parler de Tindouf, du tracé des frontières ou de l’accès à l’Atlantique de l’Algérie…
Ce dimanche en fin d’après-midi, on ne notait aucune réaction officielle d’Alger. Le site internet TSA relevait le ton « conciliant » mais l’attribue au fait que le Maroc est « sur la défensive ». Observant que le roi n’avait pas évoqué le sujet qui fâche, le Sahara occidental, TSA se demande si ce n’est pas « une fausse main tendue ». Si certains estiment que le discours apaisant prouve que le roi ne soutient plus les nationalistes kabyles, des proches du pouvoir doutent de sa sincérité et attendent des actes, des licenciements qui prouveraient sa bonne foi.