« Les solutions ne peuvent pas naître du désordre, être celles de la violence. Mon devoir est de faire respecter les lois de la République et je le ferai. L’avenir de la Guadeloupe mérite du respect, de la compréhension, de l’écoute et du dialogue ».
« Il y a une situation en Guadeloupe qui est absolument intolérable et inacceptable ». Une « petite minorité qui bloquait (les soignants NDLR) par les mots, par les paroles (…), aujourd’hui elle s’est radicalisée et elle essaie de les bloquer, de les intimider par la violence», a-t-il dénoncé, évoquant des «soignants menacés», «des pharmacies empêchées d’ouvrir» et «les ambulances bloquées sur les barrages». De nouveaux renforts policiers vont arriver sur l’île aujourd’hui.
Les premiers mots étaient prononcés le 19 février 2009 par le président Nicolas Sarkozy après un mois de manifestations violentes qui avaient vu l’assassinat d’un syndicaliste. Les seconds ont été dit ce matin par le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal après plusieurs jours et nuits de blocage de l’hôpital de Pointe-à-Pitre et de violences urbaines pour protester contre le pass sanitaire. En 2009, les grèves et manifestations avaient été provoquées par la vie chère, la hausse du prix des carburants. Une lutte contre le chômage et la pauvreté trois plus élevé qu’en métropole. Le mouvement Lyannaj Kont Pwofitasyon (LKP) d’Elie Domota était à la manœuvre avec son syndicat l’Union générale de travailleurs de Guadeloupe. Sarkozy annonçait 137 mesures en novembre 2010, des hausses de salaires, des hausses des prix, des aides au logement social, au tourisme, à l’agriculture. Elie Domota et son LKP, collectif contre l’exploitation outrancière, ne voyait qu’un projet « basé sur l’ancrage de la domination coloniale que nous subissons ». Pour lui, la montagne n’avait même pas accouché d’une souris, c’était une grossesse nerveuse ».
La crise d’aujourd’hui vient de là, de 2009. La Guadeloupe qui a eu, en 2019, ses gilets jaunes, proteste bien sûr comme d’autres territoires français contre la vaccination obligatoire pour les soignants et contre le pass sanitaire, mais sur l’île et au CHU de Pointe-à-Pitre 80 à 90% du personnel médical est vacciné et s’insurge contre les manifestants qui, en bloquant « tuent leurs familles ». La crise dépasse de loin le covid et ses conséquences. Si la liste LaREM a largement gagné les régionales de juin denier avec 72,4% devant le PS, 27,6%, il y a un net regain des nationalistes avec le mouvement « Nou » qui regroupe des jeunes, mais aussi des enseignants et des avocats et qui a frôlé la qualification pour le second tour avec 9,39% des suffrages. Cinq ans plus tôt, les nationalistes de l’Union populaire pour la libération de la Guadeloupe n’avaient obtenu que à 0,5%.
Ministre de l’Outre-Mer de François Hollande et actuel sénateur socialiste, Victorin Lurel parle de « fait sociologiques » et déplore qu’on « a fait de l’opposition à la vaccination une stratégie de lutte contre le gouvernement, contre l’État, contre le colonialisme ». Stéphanie Mulot, professeur de sociologie et d’anthropologie, associée au Laboratoire caribéen de sciences sociales, va dans le même sens en déclarant que « dans toutes les sphères sociétales, l’invitation à résister aux injonctions nationales pour préférer les compétences ‘endogènes’ s’est petit à petit développée comme le signe d’une affirmation identitaire décoloniale et d’une émancipation collective, forme de marronnage contemporain qu’il faudrait encourager aussi dans le champ de la santé, à en croire les propos de penseurs locaux ». On pourrait aussi mettre en avant la méfiance née du chlordécone, ce pesticide longtemps utilisé alors qu’on le savait cancérigène.
Le LKP de Domota qui a toujours promis de « redescendre dans la rue », qui est prêt à mettre le feu n’est absolument pas majoritaire, mais la colère de 2009 ne s’est pas apaisée. La jeunesse qui ne se voit guère d’avenir sur son île cède facilement à la violence sans se soucier des politiques et des syndicalistes. Si la réponse sécuritaire est nécessaire, elle est totalement insuffisante pour calmer la situation. Bien des revendications sont légitimes et la discussion est nécessaire avec toutes les parties. Sans plan pour la jeunesse, comme le demande le député apparenté MoDEM Max Mathiasin, rien n’avancera durablement.