Pourquoi donc une chanteuse, une meneuse de revue entre-elle au Panthéon. Pas mal de Français se sont posé la question estimant que danser dénudée avec une ceinture de bananes ne constituait pas un haut fait donnant un ticket d’entrée dans « le temple laïc de la République ». Pourquoi donc rejoignait-elle Simone Veil, Jean Jaurès, Victor Hugo, Gambetta, Jean-Jacques Rousseau, André Malraux , Zola, Alexandre Dumas, Maurice Genevoix ou Marie Curie, au total 75 hommes et 5 femmes ?…
Ces Français étonnés connaissent tous Martin Luther King qui a fait un rêve le 28 août 1963 mais ils ignoraient qu’une seule femme avait pris la parole ce jour-là et qu’elle portait l’uniforme de sous-lieutenant de l’armée de l’air française, bardé de décorations. Cette femme était Joséphine Baker qui ne racontait pas un rêve mais sa vie et la liberté qu’elle avait trouvé en France. Elle disait à ses frères et sœurs noirs de prendre la parole, qu’ils pouvaient, comme elle, gagner. Joséphine, enfant battue et malheureuse, marié à treize ans, puis à quinze à un monsieur Baker dont elle gardera le nom, Joséphine, une folle de la danse qui l’avait sauvée et menée à Paris pour jouer dans la Revue Nègre. Le début d’une formidable carrière dont elle saura remercier le pays qu’elle avait choisi. A peine la guerre déclarée, elle contacte les services de renseignement pour s’engager. Avec Jacques Abtey, du deuxième bureau, elle monte pratiquement une troupe d’agents qui recueille de renseignements. Elle aussi, reçue partout, écoute. Elle fait passer des messages écrits à l’encre sympathique sur ses partitions… A la douane, personne ne la fouille, elle signe des autographes. Très malade, elle continuera au Maroc. De Gaulle, le gouvernement reconnaîtront ses actes de bravoure, sa qualité de vraie résistante. Médaille de la résistance, légion d’honneur, croix de guerre avec palme…
Joséphine Baker, c’est aussi l’amour, l’universalisme, sa « tribu arc-en-ciel » de douze enfants adopté avec le chef d’orchestre JO Bouillon, un de sqes cinq maris, aux quatre coins du monde, nés au Japon, en Corée, en Colombie, au Venezuela, en Finlande, en Algérie, en Côte d’Ivoire et en France. Une vie de générosité, de trop de générosité qui la ruinera. Elle recevra l’aide de Grace de Monaco. Elle est enterrée dans la principauté et y restera. Au Panthéon, cet après-midi, il avait dans le cercueil quatre poignées de terre, de Saint Louis où elle est née, de Paris, de son domaine des Milandes en Dordogne et de Paris.
Celle qui est entrée au Panthéon avait prononcé ces paroles en 1953, très en avance sur son époque : « Je combats la discrimination raciale, religieuse et sociale n’importe où je la trouve, car je suis profondément contre et je ne puis rester insensible aux malheurs de celui qui ne peut pas se défendre dans ce domaine, même si je la trouve en France (…) Quelle importance y a-t-il à ce que je sois noire, blanche, jaune ou rouge ? J’aime tout le monde et je voudrais être aimée en retour et je respecte toutes les religions et toutes les croyances ».