Le président serbe Aleksandar Vucic ne décolère pas : « Ils pensent qu’avec ces dix jours de mauvais traitements, ils ont humilié Djokovic ». « Ils se sont humiliés eux-mêmes, Djokovic peut revenir dans son pays la tête haute et regarder tout le monde droit dans les yeux ». Ils lui ont mis « 50 balles dans la poitrine » affirme Srdjan, son père pour qui Novak est « le Spartacus du nouveau monde ». « Il n’a pas écrit ses propres règles. Il était prêt à rester chez lui » mais “il avait reçu son visa » s’insurge Vasek Posipil qui a fondé avec lui le syndicat de joueurs PTPA, Professional tennis players association. Pratiquement toute la Serbie est derrière son héros victime de décisions politiques. Ce n’est pas forcément faux. Lors de la dernière audience, le volumineux dossier présenté par le ministre de l’immigration, 268 pages, ne se basait pas sur la demande de visa mal remplie et les zones d’ombre, mais insistait sur la « dangerosité » que générerait le maintien du joueur non vaccinée dans le pays. Le ministre Alex Hawke a recouru à son « pouvoir personnel » et pris une décision politique.
« Je vais prendre du temps pour me reposer et récupérer avant de faire de plus amples commentaires » a déclaré Novak Djokovic avant de monter dans l’avion pour Dubaï. Il devra répondre aux interrogations sur les « erreurs » commises dans sa demande de visa, sur les dates de ses tests, sur ses possibles tricheries et manipulations. Qu’il soit sincère ou non, le numéro un mondial a terni son image, même si des joueurs le soutiennent, a perdu du capital de sympathie qu’il avait eu tant de mal à gagner. Et l’on ressort son histoire que l’on avait mis de côté pour laisser la place à son parcours exceptionnel qui allait le mener au-dessus des bien-aimés du public, Federer et Nadal. La vie difficile de la famille Djokovic qui a tout sacrifié pour que son aîné, doué pour le tennis, réussisse est oubliée pour mettre en avant des fréquentations et amitiés douteuses du père comme du fils. Complotisme, ultranationalisme, réalité alternative… En septembre dernier, Novak a été vu en compagnie de Milan Jolovic, un ancien chef paramilitaire commandant des Loups de la Drina, impliqué dans les massacres de Srebrenica contre les musulmans bosniaques en 1995. On l’a entendu chanter des chants nationalistes avec Milorad Dodik , président de la Republika Srpska qui a lancé un processus de sécession de la petite entité serbe de Bosnie, ravivant des craintes de partition et de guerre. Il est proche de son fils Igor. Il était contre l’indépendance du Kosovo et, avec toute sa famille, partage des théories alternatives…
On se souvient aussi qu’au printemps 2020, il avait organisé un tournoi en Croatie sans tenir compte des recommandations de l’OMS qui s’est transformé en cluster. A l’époque, il refuse le vaccin et revendique sa liberté : « je décide de ce qui est mieux pour mon corps ». En novembre dernier, à Paris, il persistait et accusait : « Il y a de moins en moins de journalistes et d’informations libres. Il s’agit de diffuser une propagande qui sert une élite ».
Héros chez lui, « Nole » sera-t-il le pestiféré « Novax Djokovid » à l’étranger. Il pourrait être interdit pendant trois ans en Australie, ne pas avoir le droit de jouer aux Etats-Unis et dans d’autres pays. Il pourrait perdre des contrats publicitaires qui lui rapportent 30 millions de dollars par an, plus que ses victoires sur le court.
Son expulsion a au moins fait un heureux : Salvatore Caruso, le Chilien 150 e mondial qui le remplace au premier tour de l’Open d’Australie. Un « lucky looser » et un « unlucky looser »…