Joe Biden, Antony Blinken et leurs alliés européens n’arrêtent pas d’avertir Vladimir Poutine : gare à lui s’ il ose s’en prendre à l’Ukraine, les sanctions seront immédiates et « sévères ». Le Russe ne s’émeut guère et se retranche derrière ses propositions de traités présentées le 17 décembre dernier par son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. L’un concerne la sécurité de la Russie et des pays de l’Otan, l’autre est un « Traité entre les États-Unis et la Russie sur des garanties de sécurité ». Ils stipulent qu’aucun pays de la zone que Moscou considère sous son influence ne rejoindra l’Otan et que ni forces ni armes n’y seront déployées. Pas non plus de coopération militaire avec les anciens pays de l’URSS. Conditions inacceptables pour Washington et ses alliés, et dialogue de sourds.
Poutine répète qu’il n’a pas l’intention d’envahir l’Ukraine. Biden pense qu’il va rentrer en Ukraine « d’ une manière ou d’une autre » et a évoqué une « incursion mineure » soulevant des critiques qu’il a contrées en affirmant qu’il la considérerait comme une « invasion » qui entrainerait un « désastre » pour le président russe.
Vladimir Poutine n’a certainement pas l’intention d’envahir son voisin mais il considère que la Russie et son « grand frère » historique l’Ukraine ne peuvent pas être séparés par les Etats-Unis, que Kiev ne peut pas changer de camp. Pour cet ancien du KGB qui a vécu l’effondrement de l’URSS comme « la plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle », il y va de la grandeur de la Russie, de son histoire, de la place qu’elle doit retrouver et conserver dans le monde. La bataille qu’il entend livrer est politique, géostratégique et même identitaire. Il n’est pas prêt à céder et poursuivra ses pressions sur l’Ukraine et aussi la Biélorussie car, pour lui, ces trois pays forment un tout. Il joue aux échecs, teste, sait ce qu’il risque mais aussi que pour l’instant, il a toujours l’avantage. Certes, la Russie a beaucoup souffert des sanctions appliquées par Obama après l’annexion de la Crimée en 2014, l’équivalent d’1,5 à 2 points de PIB par an, soit près de 100 milliards de dollars selon l’économiste russe Vladislav Inozemtsev. Mais le sort de ses concitoyens lui importe moins que la grandeur à retrouver.
Le maître du Kremlin entend aussi les Américains et les Européens. Antony Blinken va encore dire ce vendredi à son homologue Lavrov de « choisir la voie de la paix » mais il a déjà affirmé qu’il « ne pense pas que Poutine « veut une guerre à grande échelle ». La Russie qui a écarté les Européens des négociations n’a que faire de leurs menaces d’autant que le ministre français Clément Beaune a bien précisé qu’il n’y a « pas d’option militaire » sur la table. A Kiev, la ministre allemande des Affaires étrangères, l’écologiste Annalena Baerbock, a déclaré que « l’Allemagne ferait tout pour garantir la sécurité de l’Ukraine » mais elle ne parlait pas d’envoyer des troupes, seulement d’engager « un dialogue sérieux sur des accords mutuels » car, comme le dit Olaf Scholz, « on ne peut rester silencieux, ce n’est pas une option ».
La menace qui pourrait faire réfléchir Vladimir Poutine s’appelle SWIFT. Basée en Belgique, la « Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication » met en relation les banques et ses services sont utilisés par plus de 11 000 institutions financières dans plus de 200 pays à travers le monde, explique au journal le Parisien Yamina Fourneyron, professeure de sciences économiques à l’Université de Lorraine. Si la Russie était déconnectée, cela aurait un fort impact sur tout « le business international » donc aussi sur les partenaires de Moscou. L’option avait déjà été envisagée en 2014 et depuis d’autres systèmes existent dont un russe et un chinois. Pour Vladislav Inozemtsev, il y aurait bien un autre moyen : « Supprimer les trois millions de visas de longue durée et permis de séjour possédés par des citoyens russes, les obliger à fermer leurs comptes européens et américains et vendre leurs biens immobiliers. Poutine pourrait alors être en danger.
Pour l’heure, on en reste au stade des mots et le président russe n’a pas peur. Il ne tremble pas.