Trop aimé, trop compétent pour être élu président ? 1009 députés, sénateurs et délégués régionaux italiens élisent à partir d’aujourd’hui, lundi 24 octobre, le successeur de Sergio Mattarella à la présidence. Paradoxale Italie qui va peut-être envoyer Mario Draghi au Quirinal pour sept ans car il représente le bon choix pour le pays qui sort de ses crises mais qui, en même temps, préférerait qu’il reste à la tête du gouvernement pour continuer le travail entrepris depuis qu’il a été nommé en février dernier. Grâce à lui, l’Italie a retrouvé la stabilité, la croissance, lutté avec succès contre le covid même si Omicron frappe fort. Une sorte de « miracle italien » largement salué à l’étranger.
A Rome, pas de candidatures officielles, mais de nombreuses déclarations, des indices qui montrent que tel ou tel a des ambitions présidentielles. Mario Draghi a affiché les siennes le 22 décembre quand il a affirmé : « Nous avons posé les bases pour le futur, indépendamment de qui sera à la tête du gouvernement » et se présentait comme un homme, un grand-père, si vous le voulez, au service des institutions ». Face à lui, Silvio Berlusconi voulait le Quirinal et se vantait, sans doute faussement, de disposer des voix nécessaires à son élection. Pas question de laisser la place à Mario Draghi et il menaçait de faire sauter la coalition gouvernementale en retirant son parti Forza Italia. Samedi soir, le Cavaliere de 85 ans a renoncé, demandant aux élus de ne pas voter pour lui. La voie est-elle pour autant libre pour le chef du gouvernement ? Théoriquement oui, mais, pas plus que l’adepte du « bunga bunga , il ne peut obtenir la majorité avec les voix de son seul camp. Lors des trois premiers tours, un par jour, il faut une majorité des deux tiers, puis ensuite la majorité absolue -il a fallu seize tours en 1992.
Silvio Berlusconi s’est retiré car « l’Italie a besoin d’unité » et, pour lui, cette unité passe par le maintien des Mario Draghi au Palais Ghigi pour « terminer son travail jusqu’à la fin de la législature l’an prochain ». Il va donc manœuvrer pour favoriser l’élection d’un autre candidat ou candidate. Plusieurs noms circulent, Paolo Gentiloni, Romano Prodi, Giuliano Amato, Marta Cartabia et quelques autres. Matteo Salvini, leader de l’extrême droite, s’active lui aussi dans les coulisses pour jouer les faiseurs de rois et met en avant Elisabetta Casellati, la présidente du Sénat, proche de Berlusconi.
Au Quirinal, Mario Draghi changerait le visage de la présidence en jouant un réel rôle politique, en influençant la vie politique. Le Premier ministre qu’il nommerait, peut-être son actuel ministre des Finances Daniel Franco, continuerait sa politique. Ou, tout au moins, c’est ce qu’il souhaiterait. Mais à Bruxelles, comme à Berlin et dans d’autres capitales européennes, on craint que le successeur ne soit pas en mesure de maintenir la stabilité, que la confiance baisse, que les taux de la dette remontent, que les réformes soient stoppées. La banque Goldman Sachs où il a travaillé de 2002 à 2005 a déjà prévu un retard de 50 à 75% de l’utilisation des 39 milliards d’euros des fonds européens qui doivent arriver cette année. Draghi avait réussi à remplir tous les critères exigés par l’UE pour bénéficier de près de 200 milliards au total. Un recul sans lui ? Le Corriere della serra écrit que « ce vote pourrait frapper le gouvernement comme un séisme ». Les observateurs de la vie politique romaine voient bien que le pays est en année pré-électorale, une période propice aux surenchères des partis qui redoutent des élections anticipées et veulent du temps pour se présenter dans la meilleure position possible aux élections qui se dérouleront au plus tard au printemps 2023. Pas sûr donc que Mario Draghi, en restant à la tête du gouvernement puisse, mieux que son potentiel successeur, maintenir unité et stabilité, poursuivre les réformes administratives et les transitions énergétique et numérique. Il serait alors préférable qu’il accède à la présidence pour orienter, nommer son successeur et empêcher n’importe quelle coalition… Il aurait sept ans pour peser. 60% des Italiens ont confiance en lui. Mais rien n’est sûr…
Une autre solution serait de convaincre Sergio Mattarella, 80 ans, de rester au Quirinal.