Eh oui Kais Saïd en est pratiquement à la moitié de son mandat. Qu’a-t-il fait pour le Tunisien dont le bonheur, répète-t-il à l’infini, guide son action ? Pas grand-chose peut répondre la ménagère qui constate chaque jour une envolée des prix qui peut la forcer à restreindre sa famille, voire à lui donner des habitudes alimentaires moins bonnes mais moins chères. Son mari, qui voit le chômage augmenter, peut faire la même réponse. Tout comme leurs enfants qui constatent qu’à l’école ou à l’université, ce n’est pas la joie tous les jours. Et pourtant, même si sa cote baisse, le président serait réélu aujourd’hui, il caracole en tête des sondages. Il n’a aucun rival. Pourquoi ? Peut-être parce que, malgré tout, il incarne l’espoir alors que la classe politique, tous les partis, tous les députés suspendus appartiennent au monde d’avant, celui qui a été renversé le 14 janvier 2011, ce jour que Kais Saïed veut effacer…
Le Tunisien sait que ce monde était corrompu, pas fait pour lui mais pour une caste de privilégiés. Il veut que ça change et attend. Jusqu’à quand ? Le président met, à tort, tout le monde dans le même sac, brandit des papiers en affirmant qu’il a d’énormes dossiers qui seront diffusés au bon moment ». Il lance des chiffres, il dissout les institutions, consulte le peuple, promet une constitution faite pour lui. Et il renvoie à ses études le monde, presque entier, qui se pose des questions. Il s’inquiète de son inquiétude, de sa propension à croire des « campagnes mensongères ». Non, il n’est pas un dictateur, mais il s’est quand même octroyé tous les pouvoirs. Le citoyen qui veut encore y croire est aussi conscient de dix ans de fiasco. Et si, à ses yeux le responsable, est Ennahdha et son chef Ghannouchi, ce citoyen attentif et impatient voit bien que le président semble impuissant contre les islamistes. Le président des mots plus que des actes. L’attente est longue et le pays, pratiquement à l’arrêt, se rapproche de la faillite financière. Deux ans et demi. Une crise politique, économique, sociale. Et demain ? la « réécriture » du pays ou la violence dans la rue ?