« Les Français sont des assassins », « Stop au génocide de la France au Mali », « A bas la France », « Vive la Russie », « vive la liberté » : c’était le 22 janvier dernier dans les rues de Bamako à l’initiative des jeunes du mouvement Yerewolo (Debout sur les remparts). ) « L’armée cumule les victoires sur l’ennemi », affirme ces derniers jours Info-matin à Bamako. « Dans leur mission régalienne, les FAMa ont le moral au top, d’où leur montée en puissance et leur abnégation dans la traque contre les terroristes un peu partout sur le territoire national. Elles sont galvanisées en cela par les nouveaux matériels et équipements acquis dernièrement par les autorités de la Transition. En moins de deux mois, les FAMa, grâce aux nouveaux partenariats dynamiques, ne cessent de susciter l’espoir auprès de la population malienne avec tant de victoires et tant de succès sur la horde terroriste et autres bandits de grand chemin à leur actif ! » D’autres sites mettent en évidence le fait que le colonel Goïta peut acheminer des secours alimentaires du côté de Ménaka alors qu’il y a deux mois, c’était impossible en raison de la montée de l’insécurité ». Adama Ben Diarra, l’homme des Russes dit Ben le cerveau se réjouit : « l’histoire des 5 colonels (Assimi Goïta ; Malick Diaw ; Ismaël Wagué ; Sadio Camara et Modibo Koné) du Mali sera bientôt enseignée dans les écoles françaises, comme celle du Général De Gaulle ».
Si l’on ajoute la présence de mercenaires russes avec lesquels il est impensable de collaborer, le renvoi de l’ambassadeur de France et les déclarations depuis septembre à l’ONU du premier ministre Choguel Maïga, du ministre des Affaires étrangères Abdoulaye Diop et du porte-parole Abdoulaye Maïga sur la France qui « veut diviser le Mali, nous vassaliser et transformer le pays en esclave », aide les terroristes, instrumentalise la Cédéao pour renverser les autorités de transition, on aboutit forcément à cette conclusion : le statu quo est impossible. « Là où les conditions ne sont pas réunies, il ne faut pas rester », explique un diplomate cité dans la presse française. La junte malienne espère le départ de Barkhane mais se refuse à le demander directement pour ne pas avoir à assumer des conséquences néfastes; la France ne veut pas non plus prendre seule la décision du retrait qui donnerait raison à la junte qui parlerait vraiment d’abandon.
Malgré les manifestations anti françaises, tous les Maliens ne souhaitent pas le départ de Barkhane. L’imam Dicko, le très influent chef religieux qui n’aime pas forcément l’ancien colonisateur, vient de mettre en garde : «Nous ne devons pas oublier que notre partenaire stratégique sur le plan sécuritaire est la France». Malgré les cris de victoire de ceux qui sont manipulés par les colonels dont le but est de rester au pouvoir, il est clair que ce ne sont pas les mercenaires de Wagner, dont Poutine a confirmé la présence lors de sa conférence de presse avec Macron, qui pourront mener une opération comme celle qui a permis à Barkhane le 10 février de neutraliser quarante djihadistes au Burkina Faso avec le concours de drones et des Mirage. Il n’y aura plus de soutien aérien français…
Vers le golfe de Guinée
A Paris, la décision de quitter le Mali semble bien prise mais elle sera européenne et non seulement nationale. Depuis quelques semaines, les concertations vont bon train et, hier lundi, les ministres des Affaires étrangères ont discuté en visioconférence. Le front uni voulu par Paris semble acquis tout comme le fait que la France et ses alliés resteront au Sahel : « si les conditions ne sont plus réunies, ce qui est manifestement le cas, pour qu’on puisse être en mesure d’agir au Mali, on continuera à combattre le terrorisme à côté avec les pays du Sahel qui sont eux tout à fait demandeurs », a souligné lundi soir le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian à l’issue de la réunion virtuelle.
Rester ? oui mais comment et où ? Le retrait du Mali sera long et périlleux, il peut prendre jusqu’à un an et moins il y aura de soldats plus ceux qui encore présents seront en danger. Et puis, que vont devenir Takuba, la force spéciale euro-malienne, EUTM, la mission de formation de l’Union européenne, et aussi la Minusma, mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali dont les 12 000 sont précisément sous la protection de Barkhane ?
Le repli devrait donc s’accompagner d’un redéploiement dans les pays « qui sont demandeurs » : le Niger, le Tchad, la Mauritanie voire même le Burkina où le colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, qui a pris le pouvoir, a déclaré que son pays « a plus que jamais besoin de ses partenaires ». Le Niger où la ministre française des Armée Florence Parly vient d’aller pourrait accepter d’élargir la présence française mais pas sous sa forme actuelle. Le président Bazoum est opposé à la junte malienne et à ses agissements, mais il sait que chez lui aussi des sentiments anti français se manifestent, qu’il ne doit pas augmenter. Les détracteurs de Barkhane estiment que c’est la présence française qui attire les djihadistes. Le chef d’état-major des armées françaises, le général Burkhard, est allé la semaine dernière en Côte d’Ivoire pour tâter le terrain et répéter que la priorité de la France reste de « poursuivre la lutte contre le terrorisme » aux côtés des pays africains. Les djihadistes se rapprochent du Golfe de Guinée et des attaques frappent périodiquement le nord de la Côte d’Ivoire. Ce pays, comme le Bénin et le Togo pourraient être des lieux de ce redéploiement.
Quand le saura-t-on ? Demain mercredi, Emmanuel Macron a invité -ou convoqué ?- ses partenaires du G5 ou plutôt du G3 car les putschistes malien et burkinabé ne sont pas conviés. Le Sénégalais Macky Sall, président de l’UA, et le Ghanéen Nana Akufo-Addo, président de la Cédéao sont également attendus comme les Européens Charles Michel et Josep Borrell. Réunion de « clarification » ou d’annonce de décision ? Le ministre estonien de la Défense, Kalle Laanet, a déclaré que les alliés ont convenu de retirer leurs troupes du Mali et précisé que l’annonce aura bien lieu ce mercredi et que les alliés sont convenus de retirer leurs troupes. A moins que, pour plus de solennité et pour montrer que la France n’est pas seule, les annonces ne soient faites que lors du sommet Union européenne-Union africaine qui se tiendra jeudi et vendredi pour jeter les bases d’un nouveau partenariat qui, selon Macky Sall et Charles Michel sera fondé sur « le respect et les valeurs communes, l’échange et le partage ». Un débat sur le Mali et le Sahel doit être organisé le 22 février à l’Assemblée nationale française. L’occasion d’examiner les causes de l’échec politique français au Mali et plus largement au Sahel et de discuter d’une nouvelle stratégie.