Le ton a brutalement changé. L’espoir né dimanche soir d’une solution politique a été vite contredit par Moscou puis totalement douché dans la soirée par Vladimir Poutine. Pendant une heure, le maître du Kremlin a présenté à sa manière l’histoire de l’URSS et de l’Ukraine avant d’annoncer solennellement qu’il reconnaissait l’indépendance des républiques séparatistes de Donetsk et des Lougansk avant d’exiger de l’Ukraine la fin de ses opérations militaires dans le Donbass sous peine d’en supporter les conséquences.
Le président russe, pendant plus d’un mois, a menti, a mené les Occidentaux en bateau en déroulant un plan conçu de longue date qu’il a simplement mis en stand-by durant les Jeux Olympiques de Pékin en accord avec Xi Jinping. Auparavant, le Russe avait pris soin de montrer sa force, ses nouvelles armes à la pointe de la technologie.
Vladimir Poutine a chargé l’Ukraine de tous les péchés qui le force à intervenir : « un État qui n’est pas stable, un État fantoche, une colonie américaine ». D’ailleurs, a-t-il affirmé, les nationalistes, les radicaux qui ont mené le coup d’Etat de 2014, la révolution de Maïdan, « recevaient un million de dollars par jour, des dizaines de millions sur leurs comptes. Ils ont semé la terreur, commis des meurtres, brûlé des syndicalistes à Odessa. Les Etats-Unis et l’Otan ont transformé l’Ukraine en théâtre de guerre. L’Otan a mis un couteau sous la gorge de la Russie ». Poutine s’est donné le beau rôle, il ne pouvait agir autrement, il défendait finalement les Russes… Il a berné tout le monde, mis l’Occident contre le fait accompli.
A Washington, Joe Biden a annoncé des sanctions mais uniquement pour l’instant contre les deux républiques du Donbass reconnues par Poutine. Et il s’est entretenu avec Macron et Scholz. L’Union européenne annonce aussi des sanctions fermes. Lesquelles ? Elles risquent de pénaliser également très fortement ceux qui vont les prendre… Poutine sait très bien que personne n’ira mourir pour le Donbass, pour l’Ukraine. Même Zelensky a dit qu’il ne voulait pas de riposte militaire…
Et maintenant ? Il ne semble pas que Poutine veuille envoyer ses chars à la conquête de Kiev, la population russe n’est pas d’accord. Il a bien d’autres moyens -cyberattaques, énergie…- pour mettre à mal l’Ukraine et il devrait se contenter d’un conflit plus intense mais localisé au Donbass qui a déjà fait 14 000 morts en huit ans.
Ce coup de Poutine peut changer le cours du monde, son équilibre.
A Pékin, à l’ouverture des jeux, il a reçu le soutien de Xi Jinping et on a sans doute assisté au début d’une nouvelle alliance contre le monde occidental qui unit la Russie et la Chine avec, peut-être, l’Iran. Une rupture Russie-Europe… En face, si l’Otan a retrouvé une raison d’être et l’Union européenne une unité qui pourrait se lézarder au moment de prendre des sanctions – quid du Nord Stream 2, du gaz, du pétrole ?- les Etats-Unis, une fois l’orage passé vont retourner à leur préoccupation principale, l’Asie-Pacifique. L’Ukraine a forcé Biden à s’intéresser à nouveau à l’Europe qui ne comptait plus guère aux yeux des Américains. Surtout avec cette alliance Russie-Chine qui se profile et ne peut que inquiéter.