Quand on a vu l’accueil des Syriens, Libyens, Afghans et Africains subsahariens ou non en Europe, quand on a vu des murs se dresser pour empêcher leur arrivée et parfois même des armes tirer du côté de la Hongrie et de la Pologne, des tentes déchirées en France à Calais, on ne peut que s’étonner de cette solidarité, de cette fraternité manifestée à l’égard des Ukrainiens qui fuient la mort russe. Se féliciter de cette hospitalité retrouvée, mais aussi s’interroger.
Pourquoi ? Pourquoi cette différence de traitement ? Les bombes qui tuent en Syrie et en Ukraine ne sont-elles pas pareillement russes ? En quoi le Libyen ou l’Afghan est-il différent de l’Ukrainien ? L’homme ukrainien ne fuit pas la guerre, il défend son pays, résiste face à l’agresseur. Les autres aspirent surtout à une vie meilleure, ne font pas preuve du même courage. Les uns, femmes et enfants, sont des « vrais » réfugiés, les autres seraient surtout des migrants économiques… D’accord ? « Ce qui choque beaucoup, c’est les deux poids, deux mesures entre les réfugiés africains et les réfugiés ukrainiens » déplore Cédric Herrou, cet agriculteur français de la vallée de la Roya poursuivi puis relaxé pour avoir aidé des migrants. Une différence de traitement assez « dérangeante », remarque-t-il.
En France, en Grande-Bretagne, en Grèce, au Danemark, en Espagne, en Hongrie, en Pologne, en Bulgarie et ailleurs, on entend des voix répéter sur tous les tons oui aux Ukrainiens, non aux musulmans et aussi à d’autres chrétiens qui ne sont pas … blancs. Les Ukrainiens ? « Une immigration de grande qualité dont on pourra tirer profit » justifie le député européen français Jean-Louis Bourlanges. Le migrant musulman ou le chrétien pas blanc est assimilé au terrorisme, à la criminalité. On peut multiplier les déclarations qui cherchent à expliquer, à justifier, mais on ne peut effacer ce simple fait que l’Europe voudrait nier et qui s’appelle « le privilège blanc ». Malheureusement, il existe encore dans l’esprit de beaucoup, Blancs et Noirs et cela renforce le « wokisme » et le discours victimaire…Ce n’est pas du racisme, mais de la proximité, tentent certains. Mais qui est plus proche du Français ? L’Ukrainien russophone qui ne parle pas un mot de français ou le Sénégalais, le Malien élevé dans la langue française ?
Cette solidarité pratiquée par les Européens est exemplaire mais, à la réflexion, elle devrait les mettre un peu mal à l’aise car exercée en fonction de l’origine -si on ne parle pas de racisme- et va à l’encontre de l’universalisme républicain, des valeurs que l’Europe prétend défendre.