Il y a soixante ans étaient signés les accords d’Evian qui mettaient fin à une guerre de sept, à 132 ans de colonisation. A Paris, le président Macron répète qu’il faut poursuivre « un travail de mémoire, un travail de vérité » et que le pays est mûr pour « regarder l’histoire en face ». Dans tous les médias, les anciens se souviennent le plus souvent avec douleur d’un conflit qui n’était pas le leur, où ils avaient été envoyés sans qu’on leur demande rien. Beaucoup de regrets. 1,7 million d’appelés ont dû se battre, 25 000 sont morts. Dans le camp d’en face, les pertes sont bien plus élevées, inoubliables, de 250 000 à 400 000 selon les sources, mais Alger maintient son « un million de martyrs » sans préciser la période. Plus, quelques milliers aux confins tunisien et marocain de la guerre.
A Alger, et même si les tensions avec Paris s’apaisent, le ton reste dur, revendicatif, juste et équitable dit le président Tebboune pour qui « le dossier mémoriel doit inévitablement être traité d’une manière responsable et équitable dans un climat de franchise et de confiance ». Mais il ajoute que les « hideux crimes de la colonisation ne seront pas oubliés et ne sauraient être frappés de prescription ». Récupérer des archives et des informations, obtenir des dédommagements pour les essais nucléaires. Pas ouvrir les archives algériennes ou admettre des crimes…
Dans les rues algériennes, ce n’est pas la même histoire pour les moins de trente ans qui constituent la moitié de la population. Les jeunes sont fiers des moudjahidins qui ont vaincu le colonisateur, mais déçus de ce que leur pays est devenu, confisqué par des vieux généraux qui s’incrustent au pouvoir avec leur cortège de privilèges et de corruption. Qui ont gâché les nombreux atouts du pays. Leur souci n’est pas cet anniversaire glorieux, mais le pouvoir d’achat, le travail, les fins des mois difficiles. Et le ramadan s’annonce difficile. Le pouvoir, aveugle, vit dans le passé qui l’a enrichi et cherche des boucs émissaires. D’où le hirak…
Des deux côtés de la Méditerranée, le travail de mémoire doit s’ouvrir davantage sur la colonisation et ses 132 années terribles, mortelles. Il faut aller vers le dépassement qui mènera à un réel et nécessaire apaisement. Pratiquement impossible avec l’actuel pouvoir algérien…