« Écoute, Viktor, sais-tu ce qui est train de se produire à Marioupol?», avait lancé le 24 mars le président ukrainien à son homologue hongrois. « Tu dois décider une fois pour toutes dans quel camp tu es ». Dimanche soir, avec un large sourire et sous les applaudissements, Viktor Orban qui venait de gagner largement les élections, a montré qu’il restait l’ami de Poutine, qui l’a chaudement félicité : « Nous n’oublierons jamais cette victoire car nous avons eu à nous battre contre un grand nombre d’adversaires: les bureaucrates de Bruxelles, les médias internationaux ou encore le président ukrainien ».
Jusqu’à présent, le Premier ministre hongrois a voté toutes les sanctions décidées par l’UE et a suivi sans broncher l’Otan, mais renforcé à Budapest et allié à un groupe encore plus extrémiste que lui, il empêche l’UE de prendre les sanctions les plus fortes. Cet après-midi, il a bien montré son indépendance vis-à-vis de Bruxelles et de ses 26 partenaires. S’il a proposé, au téléphone, à son ami Poutine de déclarer « un cessez-le-feu immédiat, ce qui est fort louable et si la réponse a été, assure-t-il, « oui, mais avec des conditions », le Hongrois a surtout réaffirmé que « ce qui est certain, c’est que nous n’enverrons pas d’armes à l’Ukraine. Nous ne céderons pas à la pression pour étendre les sanctions aux pétrole et gaz russe ».
Son ministre des affaires étrangères, Peter Szijjarto, estime que l’Union européenne (UE) n’a aucun rôle à jouer dans l’approvisionnement en gaz, ”régi par un contrat bilatéral ”.Certes, l’Allemagne et l’Autriche refusent également de se priver de gaz russe, mais, même s’ils avaient fait un effort afin de pénaliser davantage Poutine, l’UE aurait été bloqué par Orban qui sait fort bien que l’unanimité est de rigueur. C’est bien pour cette raison que l’UE qui tient à maintenir son unité ne touchera pas au gaz et au pétrole russe et se contente, en plus de l’interdiction de ses ports aux bateaux russes, d’arrêter d’importer du charbon russe -45% de ce dont elle a besoin. Devant les eurodéputés, le président du Conseil européen Charles Michel a semblé regretter de ne pas aller plus loin en assurant que « je pense que des mesures sur le pétrole et même le gaz seront nécessaires tôt ou tard ».
Avec Viktor Orban, ce serait jamais. Sa large victoire électorale qui a provoqué l’implosion de l’opposition qui s’était unie contre lui, le renforce dans ses certitudes et sa politique « illibérale » faite d’autoritarisme, de restrictions des libertés, de défenseur de « l’identité hongroise », de « l’Europe chrétienne » et de refus des migrants d’Afrique et du Moyen Orient.
L’Europe n’est pas au bout de ses peines avec cet homme qui profite de l’Europe, assume et proclame sa différence. Lui doute du massacre à Boutcha : « De toutes les atrocités, je pense qu’il faut les examiner toutes, nous vivons dans une ère de manipulation massive ». Lui est prêt à payer Poutine en roubles.