« Écœuré et fatigué », Joe Biden appelle « à transformer la douleur en action ». Près de dix ans avant lui, Barack Obama lançait : « on ne peut plus tolérer cela. Nous devons changer ». Après chaque fusillade de masse, les démocrates s’émeuvent, réclament des mesures. Mais rien ne change, les élus républicains qui, en chœur, condamnent ces tueries de masse, refusent tout durcissement de la loi. Les démocrates ont proposé davantage de vérifications avant l’achat d’une arme, mais les républicains bloquent, ce qui fait dire à la représentante « gauchiste » de New York Alexandria Ocasio-Cortez qu’ils laissent « des bébés se faire tirer dessus avec des fusils d’assaut AR 15 » par des jeunes qui n’ont pas encore « l’âge légal pour prendre une bière ».
Il ne faut pas se leurrer : aucun Américain, ou presque, n’est prêt à abandonner le droit de porter une arme. Seules peuvent être discutées les conditions d’achat. Depuis le covid et les manifestations « black lives matter », les ventes d’armes ont explosé et les plus nombreux à se « protéger » ont été des électeurs démocrates, des Noirs qui se sentaient menacés. Des peurs, du racisme que l’on peut attribuer en partie au mandat totalement diviseur de Donald Trump. L’année fiscale 2021 a vu Smith et Wesson battre tous leurs records avec plus d’un milliard de dollars de revenus. Près de 400 millions d’armes pour 335 millions d’habitants.
Au lendemain de la tuerie de Uvalde, 88% des Américains se prononcent en faveur de vérifications préalables à l’achat d’une arme, 75% demandent une base de données nationale d’achat d’armes et 67% souhaitent l’interdiction de la vente de fusils d’assaut. Mais c’est « j’y pense et puis j’oublie » d’autant plus que les lois qui seraient les plus efficaces se prennent dans les parlements des Etats, pas au niveau fédéral.
Même si une majorité d’Américains accepte des contrôles sur les ventes d’armes, il y a cette certitude défendue au-delà des républicains que ce ne sont pas les armes qui tuent, mais celui qui les tient, que la cause réelle voire unique des drames est « le mal ». Au lieu de considérer que le problème est politique, identitaire, les pro-armes préfèrent y voir une question de santé mentale. C’est donc le mal qui tue et Donald Trump a répété vendredi soir au congrès de la NRA, National Rifle Association, qui arrose à coups de millions les candidats républicains, que « pour arrêter un mauvais gars armé, il faut un bon gars armé ». « L’existence du mal dans notre société n’est pas une raison pour désarmer des citoyens respectueux de la loi », explique l’ancien président. « L’existence du mal est la raison pour laquelle il faut armer les citoyens respectueux de la loi ». Le représentant du Kentucky James Comer ajoute qu’on ne peut pas légiférer contre le mal. Il faut alors, affirme Trump, attaquer le mal à la base : « Il est clair que nous devons rendre beaucoup plus facile l’enfermement des personnes violentes et mentalement dérangées dans des établissements psychiatriques. Ce n’est pas une question d’argent. C’est une question de volonté. Si les Etats-Unis ont 40 milliards de dollars (37 milliards d’euros) à envoyer à l’Ukraine, nous pouvons le faire ».
Celui qui n’a pas renoncé à se présenter en 2024 mélange tout et méconnaît les chiffres : dans la triste histoire des tueries des masses – au moins quatre blessé, hors tireur, plus de 200 depuis le début de l’année, dont 27 dans une école- une seule fois un bon gars a tué le méchant, et seuls 23% des meurtriers avaient des problèmes psychiatriques reconnus.
Un autre chiffre : environ un Américain sur cinq a des problèmes de santé mentale et près de 15% de la population se fait soigner. Les urgences psychiatriques, en plein développement, reçoivent de plus en plus de jeunes.Un dernier chiffre : au japon où la loi prescrit qu’ « aucune personne ne doit posséder d’armes à feu ou de sabres », trois personnes ont été tuées par de telles armes en 2017. Aux Etats-Unis, c’était 42 par jour.