Elle peut durer, mais toute guerre se termine toujours par des négociations qui établissent une paix plus ou moins pérenne. Il en sera forcément ainsi entre l’Ukraine agressée et son agresseur russe. Mais quand ? Le vieil et célèbre Henry Kissinger, prix Nobel en 1973 pour une paix finalement ratée au Vietnam, aimerait une issue rapide sur la base de concessions territoriales ukrainiennes que refuse Kiev. La France est accusée avec l’Italie, l’Allemagne, la Belgique et quelques autres de pousser à des négociation rapides alors que la Pologne, les pays du nord et de l’Est suivent la ligne dure de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis qui espèrent toujours une défaite de Moscou même si Austin et Choïgou ont discuté il y a une quinzaine de jours d’un « cessez-le feu immédiat » .
A Kiev, la nouvelle ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, a tenu à mettre les choses au point, à minimiser les divisions européennes, occidentales : le temps des négociations n’est pas encore venu, les divergences sont trop fortes. Le terrain, l’évolution du conflit déterminera l’avenir, guerrier ou pacifique.
Si l’on s’en tient aux déclarations russes, la paix n’est pas pour demain. Poutine, Lavrov, le patriarche Kyrill n’ont de cesse de rappeler que la Russie mène une guerre de civilisation, une guerre de religion, une guerre contre l’occident corrompu qui incarne le mal. La paix est donc difficilement concevable d’autant que dans cette culture russe, il n’existe pas de deal gagnant-gagnant, mais un vainqueur et un vaincu.
Pour justifier l’agression russe, Sergueï Lavrov vient de poser une question sidérante : « Que ferait la France si la Belgique interdisait le Français ? » Comment un homme qui a travaillé une dizaine d’années à l’ONU, qui ne cesse de parcourir le monde, a-t-il pu oser une telle comparaison ? Aurait-il subi un lavage de cerveau ? C’est qu’il arrive aujourd’hui aux Russes qui visitent le musée de la Victoire à Moscou. Début mai, une salle consacrée au « nazisme ordinaire » a été inaugurée, qui justifie l’intervention en Ukraine pour cause de « dénazification ». Même si elle est interdite aux moins de 18 ans, on y croise des enfants emmenés par leurs parents. Le Russe « moyen », convaincu, sort persuadé que le nazisme ne peut prospérer dans ce pays frère qu’il faut donc libérer…
C’est peut-être ce « background » qui a conduit Joe Biden à changer d’avis, à autoriser la livraison de lance-roquettes modernes à l’armée ukrainienne pour qu’elle puisse mieux résister. Négocier, oui, mais pas en position de faiblesse. Sur ce point, les Occidentaux ne divergent d’ailleurs pas..