« C’est une semaine historique pour l’UE», se réjouit-on à Bruxelles depuis que Poutine a affirmé qu’il n’avait rien contre l’adhésion de l’Ukraine et que les 27 ont parvenus à un « consensus total ». Le statut de candidat du pays qui résiste avec courage et fierté à la Russie, et aussi la Moldavie que Poutine pourrait menacer sera validé, mais il n’est pas certain que l’on puisse qualifier l’événement d’ « historique ». Certes, il est important, pour aujourd’hui et pour demain, que l’Europe se place du côté de la démocratie et de la liberté, montre à Poutine qu’elle est plus forte et résolue qu’il ne le pensait, mais il faut bien comprendre que candidature ne signifie pas adhésion, que le chemin sera long et escarpé.
Assez amer, le Premier ministre albanais Edi Rama, présent à Bruxelles, a conseillé aux Ukrainiens de ne « pas se faire d’illusions ». Son pays, aspirant à la candidature 2004 et candidat depuis 2014, ne voit toujours pas venir le jour de son adhésion, les négociations ne sont même pas ouvertes. Bruxelles attend des progrès… Pareil pour la Macédoine du Nord qui attend depuis dix-sept ans. Pas mieux pour le Monténégro et la Serbie. D’ailleurs, l’Europe peut-elle seulement penser à accueillir ce dernier pays, allié fidèle de Moscou ?
On peut énumérer les critères à remplir par les candidats -politique, économique, prise en compte des acquis communautaires et capacité d’intégration- mais l’essentiel, le fond n’est pas là. On l’a déjà écrit : l’Union européenne a du mal à fonctionner et si elle s’élargissait sans réformes institutionnelles, elle serait bloquée, incapable d’aller vers les politiques communes – défense, politique étrangère, santé, énergie, politiques socioéconomiques- qu’elle aimerait voir se développer. La révision des traités figurait parmi les conclusions de la Conférence sur l’avenir de l’Europe qui n’avait pas passionnée. La nécessité de revoir les règles et de modifier les traités a été adoptée le 9 juin par le Parlement européen. Les députés veulent notamment aller vers la fin du veto au Conseil de l’UE et vers un droit d’initiative pour le Parlement.
Emmanuel Macron entend pousser cette révision ainsi que son idée de « communauté politique européenne » avant de laisser la présidence du conseil européen à la République tchèque, en difficulté intérieure, qui souhaite s’intéresser en priorité aux problèmes d’approvisionnement énergétique, au financement des partis et au pluralisme des médias.
Si rien ne bouge, l’Ukraine entrera dans un ensemble vide…
Si elle veut vraiment compter dans le monde, l’Europe doit parallèlement à son élargissement mener et réussir à changer de peau, nouveaux traités, fonctionnement à deux vitesses… Ou alors, l’UE ne sera plus qu’un grand marché économique. Ce que voulait la Grande-Bretagne…