132 ans d’occupation avant une indépendance déclarée le 5 juillet 1962 et obtenue au terme de sept ans et demi de guerre. A l’occasion de ce soixantième anniversaire célébré en grandes pompes par le régime algérien, le président français a écrit à son homologue algérien pour souhaiter un « renforcement des liens déjà forts » entre les deux pays. Il redit aussi son engagement à poursuivre sa démarche de reconnaissance de la vérité et de réconciliation des mémoires des peuples algérien et français ». Depuis son arrivée à l’Elysée en 2017, Emmanuel Macron a multiplié les gestes à l’égard de l’Algérie, mais aussi les déclarations qui ont fâché Alger et refroidi grandement les relations. Si elles se sont réchauffées, elles restent difficiles car les plaies sont toujours ouvertes et les mémoires différentes. Pour Abdelmajid Tebboune, le dossier mémoriel doit être abordé d’une manière « équitable », ajoutant que les « crimes » de la colonisation française ne sauraient être frappés de prescription.
Comme d’autres dirigeants africains -une influence de la Russie ?- l’Algérien rend le colonisateur responsable des déboires de son pays. Il vient encore de l’écrire dans un éditorial publié par la revue El-Djeich : « nous ne devons en aucun cas perdre de vue la situation désastreuse héritée par notre pays, à tous les niveaux, au lendemain de l’Indépendance, en particulier dans le domaine de l’éducation, dans la mesure où une grande majorité d’Algériens, à 90% illettrés, en avait été privée. Pour autant, cela n’a pas empêché le peuple algérien de faire face à cette situation et de relever des défis majeurs, en quelques années seulement, brisant ainsi les espoirs du colonialisme qui avait parié sur l’incapacité de notre pays à gérer ses affaires et à initier un processus d’édification tout aussi crucial que le combat libérateur ».
La France, elle, parle de réconciliation mémorielle mais a du mal à évoquer les massacres de masse, les sinistres « enfumades », les déplacements forcés.
Pour vraiment aller des l’avant, les deux pays doivent regarder vers l’avenir au lieu de, surtout côté algérien, de tout baser sur le passé. Ce qui lui permet de se croire victime…
L’Algérie de Tebboune, tout comme celle de Bouteflika et de tous les dirigeants depuis 60 ans, demeure un régime militaire, un pays gouverné par les généraux. On ne veut donc pas voir ses propres responsabilités, les mauvais choix politiques ou économiques. On se cache derrière les richesses pétrolières et gazières qui ont permis au pays de tenir et d’éviter -une faute lourde- de diversifier l’économie, de démocratiser, d’écouter le peuple. Le hirak n’a rencontré que la répression des forces de l’ordre, les condamnations et la prison. Le fautif est toujours l’autre qui serait jaloux de la puissance de l’Algérie. Comme aujourd’hui le Maroc devant lequel Alger fait défiler son armée, ses matériels…
Le président Tebboune place cet anniversaire sous le signe d’une « nouvelle ère », mais il promeut général d’armée son chef d’état-major, le général Chengriha. Qui domine le pays ?
Le pouvoir cherche l’apaisement et des milliers de prisonniers de droit commun bénéficient des grâces, mais l’Algérien moyen, s’il se souvient des épreuves anciennes racontées par les grands parents, songe avant tout à sa vie difficile, aux fins de mois qu’il a du mal à boucler, au prix élevé du mouton de l’Aïd qui vaut de 50 000 à 110 000 dinars, soit 330 à 720 euros !Selon l’Association algérienne de protection du consommateur, le pouvoir d’achat a chuté de 50% malgré une revalorisation des salaires.
L’Algérie a les moyens d’avancer, de sortir de son immobilisme politique. Mais la condition première est sans doute bien difficile à remplir aujourd’hui : se débarrasser de la mainmise de l’armée sur le pays et de la corruption qui va avec.