Il a connu tous les Premiers ministres d’Israël depuis Golda Meir et, même s’il « n’est d’accord sur rien » avec Benjamin Netanyahu, il avoue « je l’aime ». C’est en « grand ami » que Joe Biden arrive ce mercredi en Israël, première étape de son voyage au Moyen Orient. Il recevra une haute distinction, la médaille d’honneur présidentielle, mais ce n’est pas le but de sa visite. Si certains parlent de « voyage de paix », c’est la sécurité de l’Etat hébreu, l’Iran et le pétrole qui seront au centre des entretiens à Jérusalem puis à Djeddah. Sur fond de guerre en Ukraine, de menace nucléaire iranienne, de tentative d’isoler la Russie et de contrer la Chine qui reste le principal défi d’avenir aux yeux de Washington.
Vendredi, le président américain fera un crochet par Ramallah pour rencontrer Mahmoud Abbas, le chef de l’Autorité palestinienne. Pas de tapis rouge pour accueillir celui qui vient une nouvelle fois de décevoir les Palestiniens en affirmant qu’un tir sur la journaliste Abu Akleh, s’il est le fait d’un soldat israélien, n’était pas intentionnel. Joe Biden, on le sait, n’est pas porteur d’une nouvelle initiative de paix, et même s’il réaffirme que la solution du conflit avec Israël est celle de deux Etats, il est évident que la question palestinienne n’est plus au centre des préoccupations au Moyen Orient des Etats-Unis et des Etats arabes. Au mieux, les Palestiniens attendent des avancées économiques, comme l’arrivée de la 4G qui favoriserait l’économie.
Joe Biden s’est mis dans les pas de son prédécesseur Donald Trump qui avait obtenu la signature des accords d’Abraham entre Israël, les Emirats arabes unis et Bahreïn avant d’être étendus au Maroc et, demain peut-être à d’autres Etats, le Soudan et surtout l’Arabie Saoudite. Une sorte d’alliance contre l’Iran dont il sera question dans tous les entretiens. Avec le nouveau Premier ministre israélien Yaïr Lapid, on va réaffirmer l’indéfectible attachement américain à la sécurité d’Israël, on discutera de l’accord nucléaire et du dialogue avec Téhéran qui sont peut-être la moins mauvaise des solutions et on évoquera un nouveau partenariat militaire régional qui intègre l’Arabie Saoudite.
A Djeddah, le président américain devrait officialiser la naissance de la MEAD (Middle East Air Defense), l’Alliance aérienne du Moyen Orient destinée à lutter contre la menace des missiles et drones iraniens. Elle regroupe Israël, l’Égypte, l’Arabie Saoudite, la Jordanie, les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Qatar. Une alliance que pourraient rejoindre le Maroc et Oman, voire le Soudan. Elle est basée sur un système de détection des intrusions, un système de communication et un armement d’interception. Le tout étant connecté et permettant d’avertir rapidement de tout mouvement hostile.
Ce nouveau partenariat aurait déjà fait ses preuves dans l’espace aérien irakien quand des drones armés iraniens, en route vers Israël ont été abattus par l’US Air Force après avoir été détectés par un pays ami, écrit René Backmann dans Mediapart.
La suite serait le rapprochement, un accord entre l’Arabie Saoudite et Israël.
Gagner en novembre
A Djeddah, Joe Biden en parlera et assistera à un sommet du Conseil de coopération du Golfe (CCG) élargi à l’Égypte, la Jordanie et l’Irak. Aucun de ces pays ne s’est aligné sur les positions du « camp occidental » pour voter les sanctions économiques prises contre la Russie à la suite de son invasion en Ukraine, pas plus d’ailleurs qu’Israël. Une plongée dans la realpolitik, une nécessité imposée par la situation intérieure à l’approche des élections de mid term. Toujours America first.
En raison de l’assassinat du journaliste Khashoggi dont un rapport de la CIA a rendu responsable le prince héritier Mohamed Ben Salman, la Maison Blanche, qui faisait du respect des droits de l’Homme la base de sa politique étrangère, n’avait pas caché son intention de faire de MBS et de son pays des parias. Mais les crises sont arrivées, le prix du pétrole a battu des records, ce pétrole qui abonde dans le Golfe.
Alors, dans une tribune au Washington Post, Joe Biden explique que « depuis le début, mon but a été de réorienter – mais pas de rompre- les relations . Je sais que beaucoup ne sont pas d’accord avec ma décision d’aller en Arabie Saoudite « mais il promet que » les libertés fondamentales » seront au programme de son déplacement. Il dit même – à vérifier- qu’il n’aura aucun entretien en tête à tête avec le prince. Mais, tout comme Erdogan, il se rend à Canossa afin que les vannes pétrolières s’ouvrent largement et que le prix du gallon baisse afin que les électeurs votent pour les démocrates en novembre…
Une délicate opération de reconquête de pays où les Etats-Unis sont en perte de vitesse et d’influence. Un « jeu » à distance avec la Russie et la Chine, deux pays également décidés à vaincre le leadership occidental et à attirer dans leur camp les pays du Golfe. La nouvelle Alliance du Moyen Orient, une sorte d’ « Otan arabe » selon certains, face à une autre union formée par la Russie, l’Iran, la Syrie, voire le Pakistan et des Yéménites sous l’œil bienveillant de la Chine.