A-t-il réussi à ancrer dans son camp ce Moyen Orient qu’il a promis ne jamais abandonner ? A-t-il convaincu l’Arabie Saoudite d’ouvrir les vannes du pétrole pour faire baisser les prix, revigorer l’économie mondiale et voir une chance de gagner les mid term? Il est encore trop tôt pour savoir si le président américain a atteint ses buts. Ses conseillers confient qu’il faudra attendre les prochaines semaines pour avoir la réponse à la deuxième question et certains économistes se demandent d’ailleurs si Riyad a les moyens de produire plus.
Joe Biden a réussi le plus facile, c’est-à-dire l’union contre l’Iran, mais s’il fallait désigner un vainqueur dans le match qui l’a opposé au prince Mohamed Ben Salmane, c’est ce dernier qui l’emporterait. Le check du poing, certes peu amical, a précédé un entretien que l’Américain avait naguère juré ne jamais avoir avec le paria qui avait ordonné la mort de Jamal Khashoggi en octobre 2018. « Est-ce là votre façon de faire rendre des comptes aux responsables de mon meurtre ? Le sang de la prochaine victime de MBS est sur vos mains », a publié sur Twitter après la rencontre Hatice Cengiz, la fiancée du journaliste. Le geste « reflète un niveau d’intimité et d’aise qui offre à MBS la rédemption injustifiée qu’il cherchait », a déploré Fred Ryan, directeur de la publication du Washington Post, où le Saoudien tenait une chronique.
La realpolitik est toujours et partout plus forte que la morale et la raison d’Etat prévaut. Le demandeur était Biden et non MBS qui pourrait monter sur le trône en octobre après la démission du roi. Certes, l’Américain a évoqué l’affaire que son interlocuteur a qualifié de « tragédie » dont il n’était pas responsable. Et le Saoudien, en position de force, n’a pas hésité à frapper en rappelant au président les « erreurs américaines, les abus », citant l’Irak, Abou Ghraïb, l’Afghanistan et aussi une autre journaliste, Abu Akleh… Le ministre des Affaires étrangères a rappelé les armes de destruction massive de Saddam Hussein…
Et à Joe Biden qui évoquait les « valeurs partagées, l’héritier du trône a répliqué, selon un responsable saoudien : « Essayer d’imposer ces valeurs par la force pourrait avoir l’effet inverse comme cela s’est produit en Irak et en Afghanistan où les États-Unis ont échoué »
Le président a dit son fait au prince et maintient qu’il est derrière l’assassinat de Khashoggi, rapporte son entourage. Celui de MBS dit qu’aucun reproche ne lui a été adressé.
L’Arabie saoudite et les Etats-Unis ont déjà conclu 18 accords de coopération dans des domaines très variés (spatial, finance, énergie, santé), selon un communiqué de la monarchie du Golfe. Realpolitik.