Par Hatem Bourial
La toponymie est une science exacte et fuyante. Par exemple, les habitants de Radès ne savent pas tous que le nom de leur ville vient du latin « rates » qui est à l’origine de « radeau ». Dans l’Antiquité, la ville se nommait Maxula et comme on y allait par le bac, on disait Maxula per rates. De nos jours, on a gardé rates et oublié le reste.
Les toponymes d’origine latine sont légion en Tunisie. Thuburbo a donné Tebourba, Beja vient de Vaga, Sbeitla trouve son origine dans Sufetula et Korba dans Curubis. Les exemples sont si nombreux et parfois étonnants qu’on pourrait remplir des dizaines de pages en égrenant des locutions latines légèrement déformées par les siècles.
Les mêmes remarques peuvent être faites pour ce qui concerne les toponymes d’origine punique, berbère ou arabe. Kairouan vient par exemple de la même racine que caravane et s’origine dans le mot persan signifiant « caravansérail ».
Tunis serait un toponyme immémorial dont l’étymologie est berbère et veut dire bivouac, halte, abri. Soit dit en passant Tunis et Kairouan ont ainsi le même sens de lieu où l’on s’arrête pour reprendre des forces.
Avec la succession des civilisations et au gré des flux humains, les villes changent de noms. Tacapes a fini par donner Gabès et Thabraca est devenu Tabarka.
Parfois et c’est saisissant, les toponymes ne changent pas : Bulla Regia a gardé son nom latin depuis vingt siècles et c’est la même chose pour Dougga avec une légère altération du Thugga original.
Ces séismes de la chronologie m’assaillent aussi dans des lieux retirés où, comme à Sidi Medien, non loin de Zaghouan, des pierres de taille antiques ont été réemployées pour construire des logements de fortune au temps de la transhumance. Même les immenses citernes de Carthage ont servi de refuge à des nomades jusqu’au début du vingtième siècle.
Une anecdote mérite d’être relevée en conclusion. Elle concerne le lieu-dit Cheylus qui existe toujours et se trouve sur la route du Fahs. Ce nom n’a pas été changé car il a été considéré comme un toponyme latin alors qu’il s’agit du patronyme du colon qui possédait les terres agricoles de la région.
Il y aurait tant à dire! Sur Tahent dont le nom remonte à la nuit des temps et signifie « rocher », sur Medjez el bab dont le toponyme rappelle la présence d’une porte romaine non loin d’un gué, sur Monastir dont l’origine se confond avec « monastère ». Il y aurait tant à dire sur notre toponymie qui se perd dans la nuit des siècles.