« Dimanche de vérité » titre L’As. « Les primo votants, un risque pour le pouvoir. Taux de participation, l’autre enjeu », explique Walf Quotidien. Un « scrutin de toutes les incertitudes » conclut Les Echos, incertitudes résumées par la Tribune en une question : « rupture et continuité ? »
Les législatives de ce dimanche sont quelque peu singulières : des listes de l’opposition ont été invalidées car jugées non conformes -ce qui avait provoqué des manifestations et des morts en juin- et sur les 25 qui voulaient prendre part à ces élections, seules huit sont en compétition aujourd’hui. Parfois avec les « suppléants » car la liste des titulaires a été écartée. C’est notamment le cas pour Yewwi Askan Wi (« libérer le peuple », en wolof), la principale alliance d’opposition, formée autour d’Ousmane Sonko, arrivé troisième de la présidentielle de 2019. Ce dernier, principal rival du président Macky Sall, a pu mener campagne mais fait partie des disqualifiés par la justice. YAW a fait alliance avec la coalition Wallu Sénégal (« sauver le Sénégal »), dirigée par l’ex-président Abdoulaye Wade. Quelques autres coalitions, comme AAR Sénégal, Alternative pour une assemblée de rupture dirigée par Thierno Alassane Sall, ancien ministre, sans lien de parenté avec le président, poursuivent le même but que Ousmane Sonko : imposer une cohabitation au pouvoir.
Le pouvoir hégémonique de Macky Sall, président depuis 2012, est représenté par la coalition Benno Bokk Yaakaar ( Ensemble pour une même aspiration ou Unis par l’espoir) emmenée par l’ancienne Première ministre Aminata Touré. BBY se dit sûr de sa victoire, sûr de conserver sa majorité absolue, trois quarts des sièges.
Ces législatives surviennent après les municipales de janvier dernier qui ont vu l’opposition gagner des grandes villes comme Dakar, Ziguinchor (Ousmane Sonko) ou Thiès. Et avant la présidentielle de février 2024 qui pourrait voir le président se représenter. Elles prennent donc un peu l’allure d’un référendum pour ou contre Macky Sall. Le leader des YAW l’affirme : « «Si Macky Sall perd [les législatives], il ne parlera plus de troisième mandat». Il n’en parle pas mais, en cas de victoire, il pourrait faire modifier la constitution qui, depuis 2016, limite à deux le nombre de mandat d’un président.
Président en exercice de l’Union africaine, Macky Sall incarne la stabilité et ses partisans vante ses réalisations dans tous les domaines, la construction d’infrastructures, son plan de développement. A la veille du scrutin, le « président bâtisseur » a augmenté les pensions de retraités et les allocations des veuves, les aides aux défavorisés. Il se présente aussi comme celui qui a obtenu de Vladimir Poutine un accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes et russes.
L’opposition et des ONG de droits humanitaires insistent sur un recul démocratique engendré par la toute-puissance du pouvoir et sa mainmise sur la majorité de l’information. Et elle compte sur un sursaut de la jeunesse -75% de la population- qui est désœuvrée et désabusée dans un pays où le taux de chômage s’élevait à près de 25 % au Sénégal au 4e semestre 2021, selon l’Agence nationale de la statistique et de la démographie. 35% de chômeuses, 13% de chômeurs.
Les Sénégalais ne se sont pas vraiment sentis concernés par ces législatives où peu de propositions ont été mises en avant, occultées par cette bataille autour du troisième mandat. Ils se sentent frustrés, surtout les jeunes, et sont avant tout préoccupés par la hausse des prix de l’alimentation et du carburant, par les inondations. La situation socio-économique se dégrade, notamment l’éducation et l’hôpital touché par la pandémie sont en grande difficulté.
Les électeurs vont-ils prendre le risque de l’inconnu, de la rupture ou opter pour du « connu » peu satisfaisant ?