Tous, de Biden à Erdogan, de Guterres à Scholz (…) s’inquiètent d’une possible catastrophe nucléaire provoquée par un bombardement de la centrale de Zaporijia, la plus grande d’Europe où les forces russes ont installé des hommes , des canons, des lances missiles même s’ils démentent tout déploiement « d’armes lourdes ». Vendredi après-midi, le président Poutine s’est même entretenu avec « l’inamical » président Macron auquel il ne devait pas reparler pour échanger sur la centrale. Les deux hommes se sont dits favorables à une inspection rapide de l’AIEA – Moscou évoque septembre-, mais le Russe estime que les Ukrainiens, par leurs bombardements, « risquent de provoquer une catastrophe de grande ampleur ».
Depuis plusieurs jours, Russes et Ukrainiens s’accusent mutuellement et avaient même annoncé pour ce vendredi des attaques, des provocations. Les risques sont réels, une erreur de tir peut être fatale, et les inquiétudes sont légitimes. Le faucon Dmitri Medvedev, ex-président et actuel vice-président du Conseil de sécurité russe, écrivait la semaine dernière sur son compte Telegram : « Les salopards de Kiev et leurs mécènes occidentaux semblent prêts à organiser un nouveau Tchernobyl. (…) Que puis-je dire… N’oublions pas que l’Union européenne possède également des centrales nucléaires. Et que des accidents y sont également possibles. » Hier, sur Russiya-1, l’inénarrable commentateur Vladimir Soloviev déclarait sérieusement : «si ça explose, nous avons des combinaisons de protection, et nous n’arrêterons pas les actions militaires. Notre armée a appris à se battre dans des conditions de contamination. »
Du côté ukrainien, on se prépare au pire et les simulations, les exercices de sauvetage, de mise à l’abri se multiplient avec un matériel ultra moderne. Tous les scénarios sont envisagés, étudiés.
Cependant, il faut bien voir que ni les Ukrainiens, ni les Russes ne sont assez fous pour, délibérément, provoquer un nouveau Tchernobyl aux conséquences incalculables et fâcheuses pour eux. La Biélorussie de Loukachenko, l’allié et vassal de Poutine serait gravement affectée. Invraisemblable, même si répétons-le, une erreur peut provoquer le pire. Le but de Moscou est de détourner une partie de la production vers la Crimée qui manque d’électricité. Ce vendredi, le patron de l’ONU, Antonio Guterres a rappelé et insisté : « l’électricité produite à Zaporijjia est de l’électricité ukrainienne et elle est indispensable au peuple ukrainien, en particulier l’hiver. »
S’il faut tout faire pour mettre la centrale à l’abri des bombes et démilitariser la zone comme le prévoit le cadre légal international, il faut aussi raison garder : la situation est stable, indique Emmanuelle Galichet, enseignante-chercheuse en physique nucléaire au Conservatoire National des Arts et Métiers de Paris : si la situation est tendue, le niveau de radioactivité autour de la centrale reste pour l’instant normal. « Le réseau de surveillance ukrainien fait partie du réseau européen, les capteurs sont de même qualité qu’en France. Aujourd’hui, affirme-t-elle, on n’a absolument aucun rejet de radioactivité ». Russes et Ukrainiens font monter la tension, font de la centrale un atout pour leur communication, leur récit de guerre, leur propagande…