Plongés par la mort de leur reine dans une parenthèse hors du temps, les Britanniques retrouvent le réel et ses difficultés. Par respect, les grèves ont cessé pour un temps, mais l’inflation à plus de 10% qui progresse et la flambée des prix qui pèse lourdement sur les ménages sont toujours là, visibles dès ce matin dans les magasins qui rouvrent après une journée fériée et une dizaine de jours vécus au ralenti.
Avant le décès d’Elizabeth II, la nouvelle Première ministre, Liz Truss, avait tout juste eu le temps d’annoncer le plafonnement, pas le gel, des factures de gaz et d’électricité à un niveau assez élevé, 2500 livres par an, et de donner le feu vert au gaz de schiste. Un plan d’au moins 100 milliards de livres, peut-être beaucoup plus en fonction de l’évolution des prix de l’énergie, un plan contraire aux convictions qu’elle affichait en qualifiant les aides de « pansements » inefficaces. Elle ne jurait que par les baisses d’impôts, la non intervention de l’Etat dans l’économie, le libéralisme qui allait profiter à tous.
On attend maintenant les débats au Parlement dont les travaux ont été suspendus et l’accueil fait à ces annonces du 8 septembre puis la présentation de son programme économique dont déjà beaucoup doutent qu’il puisse éviter une entrée en récession de la Grande-Bretagne. Le PIB s’est contracté de 0,1% au second trimestre et le rebond espéré au troisième ne devrait pas avoir lieu en raison du manque à gagner – 2,3 milliards de livres. Vendredi, la devise britannique a plongé à son plus bas niveau depuis 37 ans face au dollar.
L’heure n’est pas à l’optimisme d’autant que Liz Truss ne bénéficie d’aucun soutien populaire : 52% des Britanniques estiment qu’elle sera une mauvais, voire très mauvaise Première ministre. Et les députés conservateurs préféraient son rival Rishi Sunak. On l’attend aussi sur ses rapports avec l’Union européenne :elle s’est dite prête à enfreindre le protocole nord irlandais. Le 6 septembre, Joe Biden lui a conseillé la prudence.
Une nouvelle ère s’ouvre donc du côté de Londres avec deux nouveaux joueurs. Car il ne faut pas oublier Charles le troisième. Il a promis de marcher dans les pas de sa mère, de ne pas se mêler de politique, mais pourra-t-il résister, aller contre son tempérament et ses convictions ? Rendra-t-il public ce qui se dit dans les traditionnelles rencontres du mardi entre le souverain et l’occupant (e) du 1O Downing Street ?L’ancienne antimonarchiste « aime le combat politique et la dispute. Je ne suis pas sûr cependant qu’elle soit très bonne pour la concorde et l’union. C’est un test pour elle, » analyse Andrew Marr, ancien journaliste vedette de la BBC et auteur du best-seller Elizabethans, How Modern Britain Was Forged. Elle va vouloir s’imposer avant un automne qui s’annonce difficile.