Le 24 février dernier, Vladimir Poutine annonçait : « J’ai décidé de mener une opération militaire spéciale dont le but est la protection des personnes qui, pendant huit ans, ont subi les abus et le génocide du régime de Kiev ». Ce 30 septembre, sous les ors du Kremlin, il aurait pu reprendre ce discours car il n’a guère varié dans ses accusations et arguments : la Russie pacifiste doit se défendre face aux attaques d’ennemis qui aimeraient la rayer de la carte. Un changement cependant : il attaquait l’Otan qui avait trahi ses promesses, il ne cite plus l’organisation atlantiste, mais accuse les Etats-Unis, « une dictature basée sur la force brute » et l’Occident qui « cherchent à disloquer la Russie, à dresser les peuples les uns contre les autres »
Pour Vladimir Poutine, l’Ukraine ne compte guère, sinon comme moyen de déclencher, de mener sa guerre fondamentale, civilisationnelle, religieuse : une guerre contre l’Occident hégémonique, l’Europe qui se soumet, une guerre des valeurs, le droit, la sécurité et la justice contre les mensonges, les tromperies et les pressions américaines et occidentales, leur décadence et leur défense de la cause LGBT… Il le disait déjà en février avec la bénédiction de l’Eglise orthodoxe russe. Un discours qui peut avoir un écho en Afrique, au Moyen Orient, en Chine, en Asie, là où l’on se souvient des fautes américaines que Poutine ne cesse de rappeler, le Vietnam, l’Irak, l’Afghanistan, la Libye… Et il tente de s’appuyer sur l’ONU qui reconnait le « droit naturel à la légitime défense » et à l’autodétermination.
Des interprétations qui lui sont propres et que ne partage pas le secrétaire général de l’ONU qui affirme que « les annexions n’ont pas de place dans le monde moderne ». Et au Mali, les soudards de Wagner – des forces anticoloniales !- tuent sans hésiter des soldats maliens qui leur résistent.
Vladimir Poutine vit dans son propre monde, dans une réalité parallèle. Il se voit libérateur, rassembleur, constructeur d’un nouveau monde…S’il regardait la réalité, il verrait que nul n’a menacé, ne menace sa Russie, que les anciennes Républiques soviétiques d’Asie centrale ne le suivent plus, qu’en Ukraine, ses soldats sont en grande difficulté, qu’il a du mal à équiper des renforts qui rechignent à se battre, qu’il perd peu à peu la confiance des citoyens et de proches, surtout des « nationalistes durs ». L’institut indépendant Levada indique que 56% des sondés sont très inquiets à propos de l’Ukraine contre 37% en août, que la mobilisation est accueillie avec « anxiété » par 47% et avec « fierté » par 23%. Certes, les dirigeants occidentaux aimeraient être approuvés, comme lui, par 77% des personnes interrogées, mais il est en nette baisse.
Le Poutine du 30 septembre ressemble bien à celui du 24 février, il emploie les mêmes mots, lance les mêmes menaces mais il apparaît déconnecté de la réalité. Et reste dangereux, imprévisible…