Et la mort de Masha Amini entraina la chute du régime des mollahs… Impossible aujourd’hui de le dire non pas en raison de la volonté populaire qui faiblirait mais bien parce que le guide suprême et le président sont prêts aux pires massacres pour préserver un pouvoir qui ne profite qu’à eux. Leur détermination n’a rien à voir avec la religion qui ne leur sert que de prétexte, d’alibi.
Ce n’est pas la première fois que le pouvoir oppose sa violence aux revendications. En 2009, les manifestations réformistes contre les fraudes électorales ont été écrasées dans le sang tout comme les protestations contre la hausse des prix du carburant fin 2019. La répression sans aucune avancée sociale.
L’ayatollah Khamenei ne s’en cache pas, ses concitoyens ne l’intéressent pas : « Entre les demandes du peuple et le choix stratégique de la République islamique, je choisirai toujours les choix stratégiques » disait-il fin 2019. En août dernier, il reconnaissait que les prières du vendredi n’attiraient plus grand monde – 0,2% des habitants d’une ville selon un conférencier du séminaire de Qom. Reza Taghavi, l’un des membres du Conseil d’orientation de la prière du vendredi, évoquait des rivalités politiques, une mauvaise gestion. Fin juillet, l’ancien chef de l’Organisation des séminaires étrangers, Mohammad-Reza Nurelahian, avait déclaré : « La popularité du clergé ne baisserait pas autant si les clercs s’étaient assis parmi les gens et avaient entendu leurs cris. » Les mollahs contrôlent la majorité des institutions financières.
La trahison du peuple a commencé dès le retour de l’ayatollah Khomeini. Il avait promis l’égalité homme-femme et la non imposition du port du voile, ce voile signe de protestation contre le Chah… Tout de suite, il l’a plus que conseillé et en 1983, une loi le prescrivait. Au fil du temps, il est devenu le symbole, la marque de la domination du régime sur la société civile.
Une société civile qui n’a cessé de réclamer davantage de liberté et qui s’est toujours heurtée aux 200 000 pasdarans, les féroces gardiens de la révolution, et aux bassidjis qui les accompagnent puis à la police de la moralité – ghast e-Ershad- créée en 2005 qui compte beaucoup de femmes et dont les prérogatives ne cessent d’être augmentées par le président Raïssi dont toute la carrière peut être résumée par le mot répression.
Une chape de plomb et un gouffre entre cette théocratie religieuse et ses suppôts qui vit en vase clos en dominant la vie politique et économique sans partage. La mollahcratie n’est qu’une kleptocratie dont le seul but est de durer.
Certes, sous leur voile, les femmes ne sont pas totalement laissées pour compte. Plus que dans d’autres pays musulmans, elles ont accès aux études. Environ 60% des étudiants sont des étudiantes et elles dominent la vie culturelle mais sont exclues des cercles dirigeants. Elles ne sont pas formellement opposées au port du voile, mais réclament le droit de le porter ou non.
Et la mort sous les coups de la police de la moralité de cette jeune fille de 22 ans a fait ressortir toute leur colère, toute leur frustration qui dépasse de loin le seul droit au dévoilement. Dans les rues, on entend ces femmes courageuses qui n’ont plus rien à perdre crier « mort au dictateur », « femme, vie, liberté ». Et, fait nouveau et essentiel : elles sont rejointes par les hommes, par toutes les classes de la société, des plus aisées aux couches populaires. Le ras-le-bol de vivre dans un pays qui s’enfonce et pas seulement en raison des sanctions américaines. La pauvreté gagne, l’inflation culmine à plus de 60%. Intenable dans un pays où la majorité de la population a moins de 30 ans, est éduquée, urbanisée et aspire à la modernité. Elle ne vote plus car la classe dirigeante ne la représente pas…
La coupure entre peuple et mollahs semble irréversible. Si elle apparaît au grand jour, elle n’est pas née le 16 septembre. Depuis des années, la colère est là. Les unités de résistance sont actives, mais ne représentent pas une réelle alternative. Elles sont issues de l’organisation des moudjahidines du peuple, pas vraiment appréciée, chapeautée par le Conseil national de la résistance de Maryam Radjavi. Le prince Reza Pahlavi, l’héritier du trône, dont la cote remonte, est très loin du pouvoir. Tout comme les réformateurs peu représentés au Majlis.
En avril 2021, le journal officiel Arman faisait état du mécontentement général et concluait : « ainsi, nous ne tiendrons pas un an ». La répression féroce fait tenir le régime. Pour combien de temps ?