« C’est pas la joie », écrivions-nous au soir de la nomination par le parti conservateur de Liz Truss pour succéder à Boris Johnson au poste de Premier ministre. Un sondage indiquait que 52% des Britanniques pensaient qu’elle serait une piètre Première ministre. Un autre que seuls 21% l’estimaient compétente. Elle s’inscrivait en faux contre les soupçons et accusations, persuadée que sa ligne ultralibérale, sa réduction massive des impôts allaient relancer la croissance. Elle avait ses fidèles. Le 5 septembre, The Sun titrait « Liz Truss est la Première ministre radicale dont nous avons besoin pour résoudre la crise qui engloutit la Grande-Bretagne ». Et Kwasi Kwarteng, son ami qu’elle nommait aux Finances annonçait un « plan de croissance » massif avec des réductions fiscales pour les plus riches. Incompréhension des Britanniques et panique sur les marchés, baisse de la Livre, hausse des taux d’emprunt, récession engagée selon la Banque d’Angleterre. La Première ministre qui s’était surnommée naguère « perturbatrice en chef » tenait bon et n’écoutait ni le FMI ni Joe Biden qui qualifiait son plan d’ « erreur ».
Finalement, Liz Truss limogeait son ministre et le remplaçait par Jeremy Hunt qui s’empressait de faire le contraire de son prédécesseur. Elle mangeait son chapeau, s’excusait mais pas question pour elle d’abandonner. Huée hier mercredi au Parlement, elle répétait ; « je suis une battante, je ne suis pas quelqu’un qui abandonne ». Mais il était trop tard. Lâchée par un parti divisé, la Première ministre n’avait plus la confiance des siens, ni de l’opinion publique.
The Sun qui l’avait vue au sommet se demandait hier : « À quoi sert maintenant la pauvre Première ministre ? ». Faiblesse, inaptitude politique, chaos, désordre, tourmente, condamnée, fantôme, en poste mais pas au pouvoir : ces mots, on les lisait hier et aujourd’hui dans la presse. Vendredi dernier, le Daily Star présentait Liz Truss à côté d’une salade et posait la question : peut-elle survivre à cette laitue périmée dans dix jours ? La salade a gagné…
Sous trop de pression, la Première ministre a dû jeter l’éponge : « Je reconnais que je ne peux pas remplir le mandat pour lequel j’ai été élu ».
Et maintenant ? Les tories pourraient élire dès le 28 un successeur et l’on reparle de Boris Johnson, mais aussi de Rishi Sunak, que Liz Truss avait battu, de Jeremy Hunt, de Penny Mordaunt ou de Ben Wallace. Quel que soit l’élu, il arrivera en plein marasme économique né du Brexit et de la gestion du Covid – Bojo peut-il revenir ? – et sera à la tête d’un parti décrédibilisé ,en recul dans les sondages et en panne dans l’opinion. Les conservateurs seraient écrasés par les travaillistes de Keir Starmer qui réclament des élections immédiates. Une bonne partie des Britanniques, qui souffrent de l’inflation, serait d’accord.
Liz Truss restera dans l’histoire pour être restée en poste seulement quarante-quatre jours, un record, et pour avoir servi sous une Reine et un Roi, sans doute une autre particularité unique. Charles III ne va pas la regretter : lors de leur dernière rencontre, on l’avait entendu dire : « Encore vous. Mon Dieu. Bref ». Va-t-il, la circonstance étant exceptionnelle, s’exprimer ?