Le coup d’envoi de la 22e édition de la coupe du monde de football est donné au Qatar, un mondial totalement inédit voire insolite, fait bien sûr de sport, mais aussi voire surtout pour certains de politique et de polémiques. Il y a douze ans, quand le petit émirat a été désigné – de la corruption ?- il n‘y avait rien sinon du sable, du pétrole, du gaz et une volonté de se faire une place de choix dans le monde.
220 milliards de dollars plus tard dépensés en infrastructures, le Qatar est connu dans le monde entier et a gagné en soft power. Cependant, tout n’est pas à la hauteur. Les Occidentaux, surtout les Européens, s’émeuvent du non-respect des droits de l’homme, des ouvriers-esclaves morts au travail sous un soleil de plomb, payés au mieux un euro de l’heure. Du sort réservé aux homosexuels, à la communauté LGBT+. Du manque de liberté accordé à la femme. On ne pouvait organiser un tel événement mondial, le deuxième en audience après les Jeux Olympiques dans un tel pays. Des appels au boycott ont été lancés et de potentiels amateurs de foot n’allumeront pas leur télévision…
Pour des pays du monde arabe, du monde musulman, il y a, au-delà de la déclaration du résident de Doha, Gianni Infantino, parlant d’ « hypocrisie, de leçon de morale et de pur racisme », un réel symbole de l’opposition nord-sud, un nouvel exemple de la volonté de l’Occident d’imposer sa conception des droits de l’homme, ses valeurs qui seraient universelles. Et l’on reparle de l’Ukraine, de ses réfugiés blancs et chrétiens, de l’Irak, de la Syrie, de la Palestine. De « l’autre » ordre mondial prôné par la Chine et la Russie…
« Même aujourd’hui, il y a encore des gens qui ne peuvent pas accepter l’idée qu’un pays arabe et musulman puisse organiser un événement comme la Coupe du monde », dénonçait l’émir Tamim ben Hamad Al-Thani, l’émir du Qatar, en mai dernier. Qu’on le veuille ou non, l’organisation de ce mondial est une réussite, une fierté pour le monde arabe. Il n’y avait aucune raison pour qu’il ne puisse être durablement écarté de cette fête du foot et l’Afrique devra aussi avoir son tour.
Malgré tout, disions-nous, tout n’est pas à la hauteur. L’émirat n’a pas les capacités d’accueillir le million de visiteurs qui va doubler le nombre d’habitants de Doha. Des paquebots géants ont été transformés en hôtel à côté des établissements de luxe (jusqu’à 5 000 euros la nuitée), mais des passionnés des foot ont vu leur réservation annulée et ont dû se rabattre sur des mobil-home, des caravanes ou des tentes à environ 600 euros la nuit. D’autres dormiront dans les cabines des fans zones pour 200 euros.
L’accueil, la gestion des déplacements, la nourriture, les prix, très élevés, l’attitude de la police joueront dans l’appréciation finale, le jugement qui sera porté sur le « petit » qui joue dans la cour des grands.
Et la Tunisie ?
Côté terrain, le favori est le Brésil de Neymar, talonné par l’Argentine de Messi (on parle de son possible forfait). La France, l’Angleterre, l’Allemagne sont également cités par les pronostiqueurs qui misent quelques millimes sur le Portugal et l’Espagne. Le légendaire Samuel Etoo est bien le seul à voir une finale Cameroun-Maroc…
Si l’on se fie au classement Fifa, les deux qualifiés du groupe D seront la France (4) et le Danemark (10) qui finiront devant la Tunisie (30) et l’Australie (38). Le classement ne fait pas le résultat et les surprises ne sont pas exclues. Si l’Australie n’a guère de chances, on sait que le Danemark qui a récemment battu la France peut recommencer et que la Tunisie est capable de se hisser à un niveau supérieur et d’atteindre pour la première fois les huitièmes de finale. Les Aigles de Carthage ont été la première équipe africaine à gagner un match lors d’un mondial. C’était en 1978, en Argentine, contre le Mexique. Seul le Maroc a déjà franchi le premier tour, en 1986.
La Tunisie compte sur Khazri et Msakni pour imiter les Lions de l’Atlas, mais de l’avis des spécialistes, le joueur à suivre dans l’équipe est le jeune Hannibal Mejbri. A 19 ans, le milieu offensif de Birmingham pourrait être une des révélations du mondial qatari. Il est parfois comparé à Luka Modric.
Avec le forfait de Karim Benzema, la France part un peu dans l’inconnu et l’on pense au fiasco de 2002 en Corée du Sud, à la blessure de Zidane, à l’élimination directe. Mais le onze de France sait aussi qu’elle a été championne du monde sans le ballon d’or et qu’elle possède toujours une attaque enviée avec Mbappé, Griezmann, Giroud et Dembélé. Plus que l’absence du Galactique, celles de Pogba et Kanté, hommes de base du succès de 2018, et de Kimpembe risquent d’être préjudiciables.
Rien n’est joué. Tout est jouable.
A Doha, il fait 30 degrés cet après-midi. Pas plus qu’en Espagne ou en Italie en juin-juillet…