Soyons cyniques comme le sont les présidents syrien et turc, accusons-les de profiter du séisme meurtrier qui représente une opportunité de taille pour avancer sur leur chemin égoïste.
Mis au ban international depuis le début de la guerre civile et des massacres commis par son régime, suspendue de la Ligue arabe en novembre 2011, la Syrie de Bachar al Assad n’existe plus que par le soutien russe et iranien. Depuis quelques temps, et avec l’aide de ses protecteurs, elle a amorcé son retour sur la scène internationale. Elle a déjà renoué avec les Emirats arabes unis et l’Algérie milite pour que la nation sœur retrouve sa place au sein de la Ligue arabe. A Damas, en juillet dernier, le ministre des Affaires étrangères d’Alger avait jugé son absence « préjudiciable à l’œuvre arabe commune ». A Alger, à l’occasion du 60ème anniversaire de l’indépendance, Kaïs Saïed avait confié au représentant de Damas un message de salutation pour son homologue syrien…
Après le séisme, Bachar a reçu un appel de l’Egyptien al Sissi, le premier depuis sa prise de pouvoir en 2014. Premier appel aussi du Bahreïn depuis dix ans et l’Arabie Saoudite qui a rompu les liens en 2012 envoie de l’aide.
Le Syrien entend jouer à fond de ces manifestations de solidarité pour sortir de son isolement et faire avancer sa réhabilitation. Sa presse titre « La tragédie nous rassemble, les sanctions nous tuent » – El Watan. Il a exigé que l’aide internationale passe par Damas qui veillera à sa redistribution. Une manière de marquer son autorité sur la région rebelle d’Idlib. Les Européens, les Américains et les organisations internationales ne se sont pas laissés amadouer. Ce jeudi, des camions d’aide de l’ONU sont arrivés de Turquie par le point de passage de Bab al-Hawa. Aider via les ONG et non le gouvernement.
Le séisme pourrait accélérer le rapprochement avec la Turquie initié par le Turc Erdogan dans un souci purement électoral. Préoccupé uniquement par sa réélection, Erdogan aimerait un accord avec Bachar pour le retour des réfugiés syriens et la lutte contre les Kurdes. Il estime que cela constituerait un atout pour la présidentielle du 14 mai. Il pense aussi pouvoir se servir de la catastrophe en se présentant comme le grand sauveteur et protecteur. Et fidèle à lui-même, il a bloqué durant quelques heures Twitter où trop de messages déploraient la lenteur des secours, le manque de préparation à la gestion de catastrophes. Il a fait arrêter les auteurs de critiques « malhonnêtes ».
Ces dernières semaines, des responsables turcs ont déjà émis des mises en garde sur l’utilisation des réseaux sociaux avant les élections.