En cette Journée internationale des droits de la femme mais également dans ce tourment politique que vit le pays, on ne peut s’empêcher d’avoir une pensée émue pour feue Maya Jribi.
Ce petit bout de femme aura marqué l’histoire politique contemporaine de la Tunisie, par son engagement constant à ses idées, mais aussi par l’encrage qu’elle a offert à la femme tunisienne dans la sphère politique.
Résistante à la police politique de Ben Ali, obstinée dans son combat pour la démocratie, Maya Jribi restera un modèle d’engagement, de droiture et de résilience aussi bien pour les femmes que les hommes tunisiens.
Tunisie-direct vous propose un retour sur les étapes qui ont fait Maya Jribi.
Premiers pas dans le militantisme
Maya Jribi est née en 1960 à Bou Arada. Son père est originaire de Tataouine et sa mère est Algérienne. Elle est biologiste de formation, et a commencé son parcours de militante et d’opposante dès son entrée à la faculté.
Maya Jribi suit ses études à Radès où elle vit alors, puis intègre la faculté des sciences de Sfax de 1979 à 1983, où elle a milité au sein de l’Union générale des étudiants de Tunisie ; elle adhère à la section sfaxienne de la Ligue tunisienne des droits de l’homme au début des années 1980. Elle collabore également à l’hebdomadaire indépendant Erraï (L’Opinion), puis à Al Mawkif.
Au début des années 1980, elle devient membre du groupe d’études sur la condition féminine du Club culturel Tahar Haddad et participe à l’Association tunisienne de lutte contre le cancer. Elle fonde également avec d’autres activistes l’Association de recherches sur les femmes et le développement. Elle dira plus tard : « J’ai participé à des activités sociales souvent informelles et à la mise en place de projets à caractère social comme celui d’aide aux femmes démunies de Mellassine ».
De retour à Tunis en 1983, elle participe à la création du Rassemblement socialiste progressiste (RSP) fondé cette même année par l’avocat Ahmed Néjib Chebbi ; le RSP est devenu en 2001 le Parti démocrate progressiste (PDP) l’un des principaux partis de l’opposition tunisienne. En 1986, elle devient l’une des rares femmes membre du bureau politique du parti. De 1986 à 1991, elle est responsable à l’Unicef des collectes de fonds et de la communication. En 1996, elle devient chargée d’études à l’Institut Laamouri, un bureau d’études et de marketing, où elle devient directrice générale et spécialiste en études qualitatives en 2001.
Ascension en politique
Elle est élue le 24 décembre 2006 à la tête du PDP, succédant ainsi à Chebbi qu’elle présente comme son « compagnon de route ». Elle devient ainsi la première femme à diriger un parti politique tunisien et la deuxième au Maghreb à la tête d’un parti composé majoritairement d’hommes, après l’Algérienne Louisa Hanoune.
Jribi et Chebbi suivent du 20 septembre au 20 octobre 2007 une grève de la faim pour protester contre la décision judiciaire prise le 1er octobre d’expulser leur parti des locaux qu’il occupe au centre de Tunis. Un compromis est finalement trouvé avec le propriétaire qui abandonne les poursuites en contrepartie d’un nouveau contrat de bail, lui qui avait jugé abusive l’utilisation des locaux qu’il loue au journal Al Mawkif, mais qui servent en fait de siège au PDP. Lors de cette grève de la faim, elle se trouve très affaiblie et souffre de « graves désordres biologiques ».
Consécration et assise post-Révolution
Le 23 octobre 2011, elle est élue membre de l’assemblée constituante dans la circonscription de Ben Arous. Maya Jribi s’est positionnée comme leader de l’opposition et a présenté sa candidature à la présidence de l’Assemblée nationale constituante. C’est Mustapha Ben Jaafar, favori, qui l’emportera.
Déterminée, Maya Jribi a affirmé devant l’assemblée constituante vouloir démontrer à travers sa candidature que « le temps de la pensée unique est désormais révolu ? Il ne saurait y avoir de démocratie sans pluralisme, de pouvoir sans contre-pouvoir » a-t-elle ajouté, très applaudie.
À la suite de l’annonce de la fusion du Parti démocrate progressiste, avec notamment Afek Tounes et le Parti républicain, elle est élue, le 9 avril 2012, comme secrétaire générale de la nouvelle formation dénommée « Al Joumhouri lors du cinquième et dernier congrès du PDP.
En 2014, elle reçoit les insignes de chevalier de l’Ordre tunisien du Mérite.
En 2015, elle est décorée des insignes de commandeur de l’Ordre de la République tunisienne, remis par le président de la république.
À l’occasion de l’ouverture du congrès d’Al Jomhouri, qui s’ouvre le 3 février 2017, elle annonce son retrait du secrétariat général du parti. Elle s’éteindra le 19 mai 2018.