Dans le monde entier, Guantanamo, ce sont des prisonniers en tenue orange, des grillages surmontés de barbelés, des tortures, des mauvais traitements de toutes sortes, un camp sans légalité. George W Bush, qui l’a ouvert, avait parlé de sa fermeture en juin 2006, puis Barack Obama lors de sa première campagne présidentielle et en février 2016. Faute d’accord avec le congrès, il n’avait pu y parvenir. En janvier 2018, Donald Trump avait signé un décret ordonnant le maintien de l’ouverture du camp et promis de « le remplir de mauvais gars ». Aujourd’hui, son successeur veut, enfin, fermer cette prison de Guantanamo.
« C’est certainement notre objectif et notre intention » vient d’affirmer Jen Psaki, le porte-parole de la Maison Blanche. Reste à évaluer la situation, à engager le processus avec les diverses agences fédérales et le conseil national de sécurité, a-t-il ajouté. En juin 2005, le sénateur Biden avait réclamé la fermeture de ce camp qui, déclarait-il, suscitait la haine des Etats-Unis dans le monde musulman. Deux mois plus tôt, la profanation d’un Coran avait fait scandale.
La base américaine de Guantanamo, ce sont 117 km², dont 42 sur terre, cédés par Cuba à l’Amérique en 1903 en remerciement de son aide contre le colonisateur espagnol. Un loyer annuel de 4085 dollars, toujours payé par chèque; Castro n’avait encaissé que celui de la première année de sa révolution, 1959. Au début des années 90, ce sont des milliers de Haïtiens, qui avaient fui le coup d’État, qui y sont parqués dans des conditions difficiles sous la garde de soldats américains.
Le 11 janvier 2002, le camp X Ray reçoit ses premiers prisonniers qualifiés de « combattants illégaux ». Nous sommes quelques mois après les attentats du 11 septembre et George W Bush est entré en « guerre contre le terrorisme » en Afghanistan. Bientôt, ils seront 780 détenus en orange, talibans ou combattants d’Al Qaïda, de vingt nationalités différentes. Aucun cadre légal pour eux, car leur prison se trouve hors du territoire américain. .. Quelques libérations intervenaient ou des transferts vers les pays tiers ou d’origine. En juin 2006, la Cour suprême finit par déclarer illégales les procédures judiciaires d’exception. Aujourd’hui, il ne reste qu’une quarantaine de détenus dont 26 ont été jugés trop dangereux pour être libérés. Parmi eux, figure le pakistanais Khaled Cheikh Mohammed, présumé cerveau des attentats du 11 septembre.
A côté de cette prison la plus chère du monde , 13 millions de dollars par an par détenu, les Etats-Unis disposaient de « sites noirs » où ils interrogeaient et torturaient des suspects. Une longue liste de pays hôtes de l’Afghanistan au Maroc, de la Pologne au Kosovo… et d’autres qui facilitaient les transferts, dont l’Italie…
En bande dessinée
C’est l’histoire d’un jeune Tchadien, né en Arabie Saoudite où il est vendeur de rue et rêve d’une meilleure vie. Mohamed el Gorani a 14 ans, du culot et des faux papiers. Il arrive au Pakistan à l’été 2001 pour apprendre l’informatique et l’anglais. Pas de chance, en novembre, il est arrêté à Karachi et « vendu » 5000 dollars aux Américains qui l’envoient à Guantanamo. Il pourrait appartenir à Al Qaïda, organisation dont il ignore tout… Pendant huit ans, il endure « les insultes, les brimades, les tortures », se révolte et subit des sanctions disciplinaires. En juillet 2009, un juge ordonne sa libération car son dossier est vide. Marqué physiquement et psychiquement, Mohamed est envoyé au Tchad, pays qu’il ne connaît pas. Il va au Bénin,au Soudan, au Ghana, au Nigeria. Il n’arrive pas à se reconstruire et revient au Tchad en 2010 où il rencontre le journaliste et anthropologue Jérôme Tubiana. Plusieurs articles dans la presse internationale, puis l’idée de raconter en bande dessinée. Ce sera Guantanamo Kid en mars 2018, avec le dessinateur Alexandre Franc, « un récit sans concession » qui « vaut tous les documentaires du monde » écrit l’hebdomadaire belge Le Vif.