Depuis l’élection d’Abdelmajid Tebboune en décembre 2019 et les souhaits exprimés par Emmanuel Macron, les mots échangés semblent les mêmes entre les deux présidents. Samedi, lors d’un entretien téléphonique, ils sont tombés d’accord pour « poursuivre la coordination entre les deux parties en vue de booster la coopération bilatérale dans divers domaines et rapprocher les points de vue sur certains dossiers ». La veille, l’ambassadeur d’Algérie en France, Mohamed-Antar Daoud, avait été reçu par le président du Sénat français, Gérard Larcher. Il avait réitéré “la disponibilité de la partie algérienne à consolider la coopération bilatérale dans tous les domaines ». Le 24 janvier, Macron avait fait part à son homologue de « sa volonté de retravailler à nouveau ensemble sur les dossiers d’intérêt commun ». Deux mois plus tôt, il avait, dans Jeune Afrique, salué le « courage »d’Abdelmajid Tebboune, hospitalisé en Allemagne pour cause de covid et promis de « faire tout son) possible pour l’aider » dans la « période de transition » que vit l’Algérie.
Au lendemain de son élection, les deux hommes avaient eu une conversation téléphonique au cours de laquelle,selon l’Elysée, « les deux chefs d’État sont convenus de travailler ensemble au développement des relations d’amitié, de respect et de confiance entre la France et l’Algérie et à la coopération sur les crises régionales ». Pour sa part, le nouvel élu avait confié à France 24: « Avec Emmanuel Macron, nous pouvons aller loin dans l’apaisement, dans le règlement des problèmes de mémoire. C’est quelqu’un de très honnête qui veut apaiser la situation, quelqu’un de très propre au point de vue historique ».
Les mêmes mots et apparemment pas d’avancées réelles dans ce dialogue entre deux « pays indépendants et souverains ». Les soucis et difficultés restent les mêmes: la transition démocratique et les libertés, les dossiers économiques et celui de la mémoire. Pour une partie de l’opposition, Paris est toujours dans l’ingérence. Pour le RCD, Emmanuel Macron « s’autorise à délivrer une attestation de confiance au chef de l’Etat (…). Ceci n’est pas une simple ingérence, mais la révélation que la France est aux manettes d’une feuille de route pour notre pays ». Karim Tabbou, figure du Hirak, cité par El Watan, va plus loin et parle d’une France « raciste », d’une France qui ne veut pas accepter que dans ce pays puissent émerger des forces démocratiques, une jeunesse émancipée ».
Le problème qui divise le plus semble bien celui de la mémoire. Le président Tebboune n’a pas réagi officiellement au rapport de Benjamin Stora commandé par l’Élysée et qui préconise de faire plus de place à la colonisation et à la guerre dans les programmes scolaires, d’accélérer le travail de recherche dans les archives, de créer un fond commun et de créer un office franco-algérien pour la jeunesse ». Le porte-parole du gouvernement Ammar Belhimer l’avait jugé non objectif » et « en deçà des attentes » car il « occulte les revendications légitimes de l’Algérie, en particulier la reconnaissance officielle par la France des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, perpétrés durant les 130 années de l’occupation de l’Algérie »et met « sur un même pied d’égalité la victime et le bourreau « . Les anciens moudjahidine exigent toujours des excuses. Emmanuel Macron, parle « d’actes symboliques » mais pas d’excuse. Durant sa campagne présidentielle, il avait provoqué une polémique en France en reconnaissance des « crimes contre l’humanité » commis en Algérie. Lors de sa visite officielle à Alger en décembre 2017, il avait déclaré que « la France ne peut pas se permettre de ne pas revisiter ce passé-là », mais répondu à un jeune qui l’interpellait dans la rue qu’il devait « regarder vers l’avenir ». Pris par des soucis internes, Tebboune et Macron piétinent…