En ce moment où trop d’Etats, de médias, de gens ont tendance à prendre le particulier pour le général, où chacun n’entend que ce qu’il veut entendre, où l’on subit une injonction à choisir son camp, ne serait-il pas temps et salutaire de dépasser l’émotionnel, l’irrationnel pour en revenir à l’analyse et à l’histoire ?
Au lieu de s’invectiver et de lancer des accusations, relisons, réécoutons des hommes que naguère nous avons pu admirer, louer pour leurs propos
Bourguiba, 3 mars 1965 à Jéricho :
« Il est extrêmement facile de se livrer à des proclamations enflammées et grandiloquentes. Mais il est autrement difficile d’agir avec méthode et sérieux. S’il apparaît que nos forces ne sont pas suffisantes pour anéantir l’ennemi ou le bouter hors de nos terres, nous n’avons aucun intérêt à l’ignorer, ou à le cacher. Il faut le proclamer haut. Force nous est alors de recourir, en même temps que se poursuit la lutte, aux moyens qui nous permettent de renforcer notre potentiel et de nous rapprocher de notre objectif par étapes successives. La guerre est faite de ruse et de finesse (…) Quant à la politique du « tout ou rien », elle nous a menés en Palestine à la défaite et nous a réduits à la triste situation où nous nous débattons aujourd’hui (…) Nous n’aurions en aucune façon réussi en Tunisie si nous n’avions abandonné cette politique et accepté d’avancer pas à pas vers l’objectif. En Palestine, au contraire, les Arabes repoussèrent les solutions de compromis. Ils refusèrent le partage et les clauses du Livre blanc. Ils le regrettèrent ensuite. »
Mitterrand le 4 mars 1982 à la Knesset :
… Etant admis une fois pour toutes que j’exprime cette opinion dans le respect des droits fondamentaux qui s’imposent à moi comme aux autres et dont le premier me semble-t-il, est pour chacun l’irréductible droit de vivre.
– Ce droit, mesdames et messieurs, c’est le vôtre. Il est celui des peuples qui vous entourent. Et je pense, bien entendu, prononçant ces mots, aux Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie, comme je pense, bien que les réalités juridiques et politiques ne soient pas les mêmes au peuple du Liban… Pourquoi ai-je souhaité que les habitants arabes de Cisjordanie et de Gaza disposent d’une patrie ? Parce qu’on ne peut demander à quiconque de renoncer à son identité ni répondre à sa place à la question posée. Il appartient, je le redis aux Palestiniens comme aux autres, de quelque origine qu’ils soient, de décider eux-mêmes de leur sort. A l’unique condition qu’ils inscrivent leur droit dans le respect du droit des autres, dans le respect de la loi internationale et dans le dialogue substitué à la violence. Je n’ai pas plus qu’un autre à trancher qui représente ce peuple et qui ne le représente pas…. Je ne sais s’il y a une réponse acceptable par tous au problème palestinien. Mais nul doute qu’il y a problème, et que non résolu il pèsera d’un poids tragique et durable sur cette région du monde ».
Jean-Louis Bourlanges, député devant l’Assemblée nationale française le 23 octobre 2023 :
Citant l’archevêque d’Alger, il a expliqué que «la violence barbare du Hamas était sans excuse mais pas sans cause». «Les gouvernements successifs de Netanyahou ont agi comme si le problème palestinien appartenait au passé et qu’il n’y avait plus lieu de prendre en compte les attentes et de redouter les initiatives issues d’une communauté palestinienne divisée, disqualifiée et, dans ses formes les plus extrêmes – celle du Hamas -, tout simplement achetées par son ennemi» (…) «Les accords d’Abraham ayant permis aux États arabes d’abandonner les Palestiniens à leur triste sort, le gouvernement israélien s’est senti libre d’engager sans risque une relance rampante mais brutale et déterminée de sa politique de colonisation en Cisjordanie»(…) «Il serait injuste d’attribuer à l’État hébreu le monopole de la nouvelle brutalisation du monde d’où l’horreur du 7 octobre est sortie. Partout les forces attachées à la modération, à la coopération et à la paix ont été battues en brèches. Que les Palestiniens aient eu la tentation croissante et suicidaire de se réfugier dans une sorte de nihilisme politique ne peut hélas pas nous surprendre. Une population sans avenir, donc sans espoir pouvait-elle être tentée par des partis modérés qui n’avaient rien à lui offrir ?»(…) Aujourd’hui, il est à la fois trop tard et trop tôt pour instituer deux États en terre de Palestine. Il est en revanche grand temps de commencer de réaliser les conditions qui rendront possibles cette double création le moment venu».