Par Abdeljelil Messaoudi
« Par le théâtre nous vivons…par l’art nous résistons ».
Tel est le slogan des Journées théâtrales de Carhage qui ont débuté hier samedi, et qui se poursuivront jusqu’au 10 décembre.
Dans des conditions ordinaires, pareil slogan aurait pu paraître banal, voire redondant et pléonasmique. Le théâtre est forcément une expression de vie, et l’art est évidemment un acte de résistance. Mais dans les conditions qui prévalent aujourd’hui, le slogan de cette 24ème session des JTC sonne juste et approprié et vital. Doublement, d’ailleurs. Tant sur le plan intérieur, qu’extérieur.
Sur le plan intérieur d’abord, où la bataille apparaît nécessaire face à la résignation intellectuelle quasi-générale, et, conséquemment, et à la déferlante médiocrité. Le théâtre, et l’art en général, vient donner continuellement l’alerte. Il sensibilise, il excite l’imagination, il éveille la conscience.
Acte de conscience, le théâtre est de tous les arts, celui qui libère le mieux et le plus. C’est un art libérateur. C’est l’art de libération.
Espace où s’expriment tous les sentiments et où toutes les situations sont rendues, le tragique comme le comique, le triste comme le jovial, le beau comme le laid…,
Le théâtre est dès lors, et enfin, l’art de la vie. L’art de la ville, devrait-on aussi dire. L’art de la politique, donc (au sens large du mot politique). Le lien de cet art avec la cité est d’une profondeur telle qu’il ne peut exister sans le public: » il faut au moins un spectateur pour qu’il y ait une représentation théâtrale », disait le polonais Grotowski.
C’est sans doute en ayant présentes toutes ces valeurs à l’esprit, que les organisateurs ont ouvert l’actuelle session des JTC dans un Théâtre municipal archi-comble.Sous la pression des événements de Gaza, la valeur de la résistance n’est plus une nécessité, mais, mieux, un désir. L’art détient cette force particulière de se parer de nuances et de polysémies pour éviter de tomber dans la propagande et éviter le trop sentimental et le larmoyant.
Il était clair, faute de temps, que la direction de la manifestation n’avait pas de spectacle théâtral à présenter pour exprimer ce devoir de résistance de l’art face à l’injuste et au barbare qui s’offrent sans masque ni fard aux du monde dans une Palestine dévastée.
Qu’à cela ne tienne. Les images évoquant les visages et le parcours de cette manifestation, les hommages aux artistes disparus, la reconnaissance à ceux encore en vie mais fragilisés par les années- celle rendue à Hassen Mahnouche a été particulièrement émouvante…tout cela a contribué au succès de cette ouverture des JTC, 24ème du nom. La poésie du chantre palestinien Mahmoud Darwiche a achevé de donner un caractère fier et digne à cette ouverture en lutte majeure.
Moez Mrabet, directeur du Théâtre national et des JTC, est à féliciter.