Les 87,28% des suffrages obtenus par Vladimir Poutine – et encore mieux dans oblasts ukrainiens annexés- ne lui confèrent aucune capacité supplémentaire pour se battre en Ukraine, mais ce n’était pas le but. En faisant mieux à chaque élection, l’autocrate voulait prouver qu’il est de plus en plus aimé et soutenu par son peuple qui approuve toutes ses décisions, y compris son “opération spéciale” en Ukraine. Si le camp occidental est moins dupe que jamais, le reste du monde que l’on nomme « sud global » peut se laisser séduire par ce dirigeant fort qui, avec Pékin, veut substituer à l’ordre international hérité de la seconde guerre mondiale un monde multipolaire où la force prime sur le droit. Le désordre mondial.
A ceux qui lorgnent vers lui, notamment en Afrique, il dit : comprenez que les élections n’ont pas vraiment de sens, vous pouvez faire comme moi et garder le pouvoir. Il leur propose le modèle poutinien : la transgression assumée. Dimanche soir, son ambassadeur en France indiquait sans détours que Moscou se fout de ce que dit Paris ou Washington et soulignait que Poutine sera au pouvoir au moins jusqu’en 2030. Les autres, ajoutait-il, les démocrates soumis à des élections démocratiques, auront disparu.
C’est là aussi, le sens de cette réélection : le temps joue pour Poutine et sa Russie. Le dictateur de Moscou ne reculera pas, ne cédera pas. Et peut prendre son temps. Aujourd’hui, son armée n’a pas les moyens de marcher sur Kiev, de prendre Odessa ( le grand objectif ?), mais il la prépare : 30% des dépenses sont consacrées à l’industrie de défense, les impôts vont augmenter et la vie des hommes envoyés au front ne compte pas.
Quand il sera arrivé à ses fins, Poutine, qui se sent maintenant invincible, poursuivra sa lutte contre cet Occident décadent qui, pense-t-il, le menace. Le président de la Douma lui a déjà soumis un beau programme au premier rang duquel figure la désoccidentalisation, l’augmentation du rôle de l’Etat avec le retour des nationalisations, le renforcement de la censure et du contrôle de la population.
A Ioulia Navalnaïa qui proclame que « rien n’est fini », Poutine répond qu’elle a perdu ses « racines » et « le pouls des Russes ».