Face à cette situation économique et sociale des plus difficiles que vit notre pays, amplifiée par une crise sanitaire inattendue, le tunisien ne perd pas son sens de l’humour. Intervenant dans un reportage rediffusé par la Télévision nationale une femme a proposé d’appeler l’oignon « monseigneur l’oignon » pour souligner l’inaccessibilité du citoyen à cette aromate de base dans l’alimentation tunisienne atteignant désormais le prix d’une viande blanche.
C’est là un signe qui ne trompe pas sur l’état de déliquescence de l’autorité publique, incapable d’assurer un élément indispensable dans la cuisine tunisienne et dont l’existence sur nos étals ne pose d’ordinaire pas de question. Signe de déliquescence, disions nous, mais aussi de l’absence de vision, même à court terme, de la pratique politique. Car si gouverner c’est prévoir, il ne devrait pas exister de pénurie alimentaire aussi désolante que celle-là. aucune excuse ne pourrait justifier une telle carence entraînant une telle hausse de prix,à moins que ce soit la 11eme plaie d ‘Egypte.
Et encore.
Quand on voit la taille de notre Ministère de l’agriculture, de l’armada de cadres, d’ingénieurs, de techniciens… et de moyens, on est aussitôt frappé par le burlesque de la situation.
En fait, nous sommes aujourd’hui sur une ligne de partage entre deux eaux, entre ce qui a été réalisé pendant dix ans et les attentes nombreuses nées de la révolution du 14 janvier et dont l’insatisfaction génère un grand sentiment de déception. Et le choix paraît aussi clair que implacable. Si l’on arrive pas à concrétiser les rêves du Printemps de 2011, on perdra tout ce qui a été réalisé en 10 ans.
En effet, les gains sont réels et substantiels: la liberté d’expression et de manifester, le multipartisme, une nouvelle Constitution inscrivant dans le marbre la liberté de conscience… Tout cela constitue une véritable avancée qui consacre le succès du Printemps arabe en Tunisie. Mais les ratés sont nombreux et continuent de s’accumuler : appauvrissement continu, chômage en hausse, disparités économiques et sociales aggravées… Et comme si tout cela ne suffisait pas, une instabilité politique est venue condamner le pays à l’inertie et au blocage.
Bref, ces difficultés réelles et objectives risquent d’emporter les acquis démocratiques que le peuple a mis 10 ans à réaliser. Le pouvoir en place, et à sa tête les trois présidences, sont appelées d’urgence à dépasser leurs différends et désaccords et unir leur efforts pour faire face à une situation désastreuse qui met les enfants du pays dans les barques de l’immigration clandestine, qui aggrave le chômage , qui encourage la corruption et la délinquance, qui fait désespérer de la Révolution en ouvrant la voie aux nostalgiques du régime autoritariste.
Non, la hausse vertigineuse du prix de l’oignon n’est pas un banal détail, c’est une alerte à prendre au sérieux avant de devoir regretter … et pleurer