En arrivant ce lundi après-midi au tribunal correctionnel de Paris, Marine Le Pen a réaffirmé qu’elle n’était coupable de rien : « J’aborde ce procès avec beaucoup de sérénité et énormément d’arguments à développer pour défendre la liberté parlementaire mise en cause dans cette affaire, démontrer que nous n’avons violé aucune règle politique ou réglementaire du Parlement européen ».
La justice, saisie par le Parlement européen, n’est pas du même avis : les investigations menées par les magistrats concluent que le Front national, devenu en 2015 Rassemblement national, a, « de manière concertée et délibérée » mis en place un « système de détournement » des enveloppes de 21 000 euros par mois allouées par l’UE à chaque député pour rémunérer des assistants parlementaires. Le parti était alors très endetté et les détournements aux dépens du Parlement européen servaient à son financement. Partie civile, le PE estime son préjudice à 6,8 millions d’euros. Avec Marine Le Pen, vingt-quatre co-accusés, cadres du Parti.
Marine Le Pen ne nie pas les faits qui lui sont reprochés, mais la manière dont ils sont présentés. Elle entend profiter de ces deux mois de procès pour exposer un autre narratif, parler du financement des partis politiques et expliquer que le PE se trompe dans sa définition du rôle d’un assistant parlementaire. Peu importe que l’un d’eux soit en réalité son garde du corps, qu’un autre ne connaisse pas « sa » députée, qu’un troisième soit employé par le FN. Peu importe aussi que des échanges de mails, de correspondance attestent de la réalité du système, c’est le PE qui ne comprend pas le rôle d’un assistant.
Porte-parole du RN et député national, Laurent Jacobelli explique : « Pour nous, un collaborateur, c’est quelqu’un qui fait de la politique et donc qui peut avoir un rôle de militant ». Dans le même registre, Sébastien Chenu, autre député, enfonce le clou : « Nous contestons la logique du Parlement européen sur le fait d’avoir des collaborateurs qui ne soient pas politisés ». Le règlement est pourtant clair : un assistant parlementaire doit travailler directement sur des questions liées au PE ou à l’Union européenne.
Avec des « arguments extrêmement sérieux », Marine Le Pen va transformer les audiences en tribune politique et chercher à convaincre, sinon les juges, au moins les électeurs de droite qui pourraient la rejoindre. Contrairement à son entourage, elle ne parle pas de procès politique, mais estime quand même qu’une condamnation à des années d’inéligibilité, avec exécution provisoire, serait bien une décision politique et une atteinte à la démocratie. Rien, affirme-t-elle, ne doit l’empêcher de se présenter à la prochaine présidentielle. Elle se plaît à rappeler que, jugé pour les mêmes faits, le patron du Modem avait été relaxé. Pas de raison donc pour qu’elle ne le soit pas… Elle oublie de préciser que les sommes détournées s’élevaient à moins de 400 000 euros, que tous les co-accusés ont été condamnés et que François Bayrou qui n’était pas eurodéputé, comparaissait en tant que complice, ce qui n’a pas été prouvé. Son cas est nettement différent…