« Je ne me suis pas roulé par terre pour être Premier ministre. Je peux partir demain » aime dire Michel Barnier. En ces temps français troublés, demain pourrait se situer dans la deuxième quinzaine de décembre après une adoption du budget par un 49.3 qui déclenchera immédiatement le dépôt d’une motion de censure par le NFP, le Nouveau Front populaire qui suivra les ordres de son gourou Jean-Luc Mélenchon.
Alors tombera, tombera pas ? Qui se joindra aux Insoumis pour faire chuter le gouvernement ? Un sondage publié dimanche indique que 53% des Français sont favorables à la censure, et 67% chez les sympathisants du tandem Le Pen-Bardella. Mais les choses ne sont pas aussi simples : les 66 députés socialistes commencent à renâcler. Sans leurs voix, le reste du NFP et le Rassemblement national n’atteignent pas la majorité requise de 289 voix.
D’ailleurs, le RN maintient le flou, l’incertitude quant à ses intentions. Reçue ce matin par le Premier ministre, qui va s’entretenir avec tous les présidents de groupe de l’Assemblée nationale afin d’éviter, si possible, le dépôt d’une motion de censure en cas de 49.3, Marine Le Pen est sortie de Matignon en disant que Michel Barnier s’était montré « courtois et campé sur ses positions ». Elle aussi, qui a rappelé ses « lignes rouges » : indexation totale des retraites dès le 1er janvier, pas d’augmentation de la taxe sur l’électricité, pas de déremboursement de médicaments. Sans bougé de la part du gouvernement, ce sera la censure, une censure qui, affirme-t-elle ne provoquera pas le « chaos » annoncé. « C’est le budget de l’année dernière qui s’appliquera. Il est plutôt moins mauvais que celui-là puisqu’il y a moins d’impôts qui pèseront sur les classes populaires et les classes moyennes », a-t-elle déclaré.
Cependant, il n’est pas certain que Marine Le Pen aille jusqu’au bout. Soucieuse de la normalisation du parti, de sa notabilisation, de sa respectabilité, elle pourrait se raccrocher à une concession pour ne pas voter une censure, ne pas être accusée de ”bordélisation” , ce reproche fait au NFP.
Il y a aussi le procès des assistants parlementaires dans lequel elle risque l’inéligibilité et le but principal, la présidentielle de 2027. Il faut choisir le meilleur chemin, naviguer entre les obstacles déstabilisateurs et la confiance en hausse. Le baromètre annuel de l’institut Verian pour « Le Monde » sur l’image du parti d’extrême droite, publié ce jour, indique que 39 % des sondés sont globalement « d’accord » avec ses idées (contre 50 % en « désaccord »). Une hausse de 6 points par rapport à 2023. 51 % estiment que le RN ne menace pas la démocratie, 38 % pensent l’inverse. En l’espace de deux ans, la hausse s’élève à 10 points. Malgré ces progrès, le baromètre note un recul : un électeur du RN sur dix estime que son parti n’arrivera jamais au pouvoir, et ils sont plus d’un tiers à le penser chez LR (35 %), avec une hausse notable de 16 points.
Le RN et Marine Le Pen auraient-ils intérêt à se montrer patients ? Sans eux pas de censure, mais ils n’ont pas toutes les cartes en mains.