Après les moments de liesse qui ont marqué la chute de Bachar al-Assad, c’est, pour tous les Syriens, le temps des interrogations. Si le pays est libéré, il est encore loin d’être uni et le gouvernement de Mohammed al-Bachir, sous l’autorité du chef du HTS, Ahmed al-Charaa, ne le contrôle pas entièrement. Plusieurs régions restent sous l’emprise de groupes rebelles et la paix n’est pas assurée. Quand on parle de la Syrie, il faut mettre des points d’interrogation tellement les questions sont nombreuses.
Du côté de Tartous et de Lattaquié, fiefs alaouites, des combats opposent les nouvelles forces de sécurité aux anciens fidèles d’Assad et, à Damas, des Alaouites expriment leur crainte de se voir maltraités par les islamistes sunnites. Dans le nord, les groupes inféodés à la Turquie attaquent les Kurdes et se sont déjà emparés de la ville clé de Manbij et des zones environnantes.
Dans les camps de Roj et al-Hol où sont détenus par des Kurdes plus de 45 000 personnes dont une dizaine de milliers de combattants islamistes, on parle de libération, d’évasions, d’attaque de Daech qui redeviendrait une véritable force. Une « bombe à retardement » ?
Les chrétiens qui ont vu un de leurs arbres de Noël brulé par des islamistes « étrangers » s’inquiètent pour leur avenir. Ils sont, comme toutes les minorités, entre espérance et crainte.
Le Premier ministre promet la liberté et le respect des droits de toutes les communautés. Ce qui est indispensable pour que le pays se reconstruise. Sans modération et participation égale de tous, Damas ne pourra recevoir les fonds et les aides nécessaires pour redevenir un vrai pays. Il ne faudra pas oublier dans le processus de paix les femmes qui revendiquent un rôle central et l’égalité totale. Elles sont souvent les seuls soutiens de leurs familles et ont montré toutes leurs capacités à assumer des responsabilités.
Et puis, il y a les quelque sept millions d’exilés qui sont appelés à revenir. Que vont-ils retrouver, comment vont-ils s’adapter au pays ruiné qu’ils ne connaissent plus ? Sans compter tous les déplacés intérieurs. Au moins un million de plus depuis le 27 novembre, date de l’offensive du HTS.
A ce tableau, on peut ajouter d’autres interrogations : quelles relations avec la Turquie, la Russie, l’Iran, les Etats-Unis, l’Europe ?
Le « vainqueur », Al Joulani a beau avoir repris son nom d’Ahmed al-Charaa et troqué son treillis contre un costume cravate, il doit prouver, tenir ce qu’il promet.