« Il y a vingt ans, l’objectif était clair, la cause était juste. Aujourd’hui, les raisons pour lesquelles nous restons en Afghanistan sont de moins en moins claires » a déclaré Joe Biden. Et il estime que l’opération « Enduring Freedom » lancée le 7 octobre 2001 a atteint ses objectifs. Oui, Ben Laden a été tué, oui les talibans ont été vite mis en déroute, mais il faut être aveugle pour affirmer que la présence des forces américaines et de l’Otan a ramené la paix. Oui, des élections ont eu lieu et une nouvelle constitution a proclamé l’égalité hommes-femmes, oui mais les capitales occidentales sont quoi qu’elles disent en échec.
Au fil des années, les talibans ont reconstitué leurs forces et le camp « civil » s’est déchiré pour le pouvoir, rongé par la corruption et les égoïsmes. Le plan Marshall annoncé dès 2002 pour reconstruire le pays n’a jamais eu les financements suffisants et l’Irak a remplacé l’Afghanistan en tête des soucis américains. Une sorte de bourbier d’où Obama a voulu s’extraire après la mort de Ben Laden il y a juste dix ans quand il avait mis 100 000 hommes sur le terrain.
Des retraits se succèdent et Trump après avoir déclaré que « la guerre en Afghanistan était une erreur » change de ton et affirme que partir créerait« un vide » qui profiterait « aux terroristes ». Un nouvel ennemi y est de plus en plus actif : l’organisation Etat islamique (EI), qui concurrence désormais Al-Qaida. Trump cherche à créer les conditions d’un retrait total et parvient à un accord en février 2020: départ des forces américaines et atlantiques au 1er mai 2021 et engagement des talibans à interdire l’accès au territoire à tout groupe djihadiste. Des négociations inter afghanes doivent planifier l’avenir…
Elles sont aujourd’hui quasiment au point mort et les talibans reprochent aux Américains de ne pas respecter l’accord de retrait ce qui, ont-ils rappelé encore aujourd’hui, les autorise à mener des actions contre « les forces d’occupation ».
De fait, la situation se dégrade depuis quelques mois et rien que ces dernières semaines, une centaine de forces de sécurité afghane ont été tuées. L’armée afghane, qui ne tenait que grâce au soutien international; ne fait pas le poids face aux talibans et risque de s’effondrer. L’objectif de formation n’a pas été atteint. Que va-t’il se passer? « Il y a un éventail de résultats possibles, certains très mauvais, d’autres pas si mauvais » affirmait, mercredi, le général Mark Milley, chef d’état-major américain. « »Dans le pire des cas, on a un effondrement du gouvernement afghan, un effondrement de l’armée afghane, on a une guerre civile, on a la catastrophe humanitaire qui va avec, puis le retour potentiel d’Al-Qaïda « .
Sans aide extérieure massive, l’Afghanistan aurait du mal à survivre. Presque 80 % des dépenses publiques du pays – 11 milliards de dollars en 2018 – sont pris en charge par les pays donateurs. En 2021, le gouvernement afghan doit contribuer à hauteur de seulement 610 millions de dollars au budget de 4,3 milliards de dollars prévu pour financer les forces de sécurité afghanes. Peu réjouissant… Ce qui est sûr, c’est que les Afghans et surtout les Afghanes, déjà malmenées par le gouvernement, vont souffrir davantage. Frontaliers de l’Afghanistan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan redoutent un risque de déstabilisation par des groupes islamistes et ont signé des accords de sécurité avec la Russie.
En 2010, Mikhaïl Gorbatchev adressait ce conseil à Barack Obama: « Un retrait des troupes. Une solution politique. » Et il ajoutait : « Cela requiert une stratégie de réconciliation nationale. » Le Russe savait de quoi il parlait, savait que le retrait de l’Union soviétique s’était soldée par un échec: pas de réconciliation, la victoire des talibans et l’installation de bases d’Al Qaïda qui avaient conduit au 11 septembre 2001…