Pour la quatrième fois en dix ans, la Tunisie se tourne vers le Fonds monétaire international pour obtenir quelques milliards de dollars en contrepartie de réformes. Chaque fin d’année, le FMI apprécie les politiques économiques et financières des Etats et distribue des conseils. En 2021, les appréciations ne changent guère de celles de 2020: réduction de la masse salariale publique, élimination des monopoles, encouragement à l’activité privée, limitation des subventions, lutte contre la corruption. Bien sûr, il y a cette pandémie qui perturbe tous les efforts de meilleure gouvernance, mais il faut bien constater que jamais Tunis n’a vraiment tenu ses promesses de réformes faites en échange des plans d’aide. Et cette année, le FMI, changeant de ton , affirme, comme d’ailleurs l’ambassadeur américain que « la Tunisie a besoin d’une nouvelle direction économique ». En dix ans, la dette a plus que doublé pour atteindre les 100% du PIB en raison de mauvaises décisions de la troïka et de ses successeurs, d’une ARP qui se soucie plus d’elle-même que de l’intérêt général.
Pour Hakim ben Hammouda, ancien ministre de l’Économie, l’heure est grave: « il y a un véritable risque de scénario à la libanaise où l’Etat ne parvient plus à faire face à ses engagements ». Pour éviter ce pire, le ministre de l’Économie Ali Kooli est à Washington jusqu’à la fin de la semaine avec l’espoir d’obtenir un financement d’environ 4 milliards. Sur la table des négociations, le gouvernement Mechichi a mis ce que le FMI exige depuis des années: baisse de la masse salariale publique de 17,4% du PIB -l’une des plus élevée du monde – à 15% d’ici à 2022 et remplacement par étapes jusqu’en 2024 des subventions d’abord alimentaires puis du gaz et de l’Électricité par des aides directes aux familles nécessiteuses.
Le FMI pourrait bien accepter un tel plan qui devrait aussi s’accompagner des réformes structurelles nécessaires et demandées depuis des années. La Tunisie serait-elle alors sauvée? Oui et non. Le nouveau financement servira avant tout à boucler le budget -il manque 22 des 52,6 milliards de dinars-, à payer la dette due cette année et non à financer les changements. Si Mechichi obtient ses milliards voire plus si les États-Unis et l’Union européenne rajoutent au pot du FMI, il devra encore franchir les obstacles de l’Assemblée, de l’UGTT et de la société. Pas évident. L’ARP serait réticent à donner son accord, Noureddine Tabboubi réclame des augmentations de salaires et les Tunisiens ont fait reculer les gouvernements qui ont envisagé de baisser les subventions. Sans oublier les familles qui contrôlent l’économie…