Habib H’mima qui nous a quitté hier pour un monde meilleur, n’était pas qu’un photographe de presse. C’était LE photographe de presse. Celui qui était de tous les grands moments de la vie de la cité. Festivals de Carthage, Journées du cinéma ou du théâtre, grands concerts de musique, grandes rencontres sportives…il était toujours là, un œil derrière l’objectif et l’autre à la recherche de quelque autre chose que seul lui pouvait détecter et capturer par un magique click.
Habib était une sacrée paire d’yeux toujours écarquillés tout ronds et scrutateurs. Il voyait toujours plus toujours loin et son appareil photo en bandoulière prêt à mitrailler. En cinquante ans de vie professionnelle, il a mis l’essentiel de la vie culturelle et sportive de Tunis dans ses clichés. Il n’y a pas un artiste, un journaliste, un sportif qui n’ait pas eu un jour affaire à cet homme simple, affable, généreux et à l’humour subtile et irrésistible.
J’ai d’abord connu Habib aux débuts des années 70 à la maison Ibn Khaldoun faisant partie de la bande de Lotfi Bouchnaq. Il nourrissait sans doute le rêve de devenir artiste. La mort de son père en décida autrement et lui fera porter la responsabilité d’élever ses frères. Il en fera d’excellents journalistes-photographes. Une fratrie de quatre garçons dont Habib, avec son air toujours mi- sérieux, mieux blagueur fera les employés et les associés de l’Agence H’mima qui a désormais pignon sur rue à la Place de la monnaie.
C’est un autre Habib que je connaîtrai au retour d’une longue mission à l’étranger. L’homme débordant, exubérant presque, avait cédé place à un autre homme méconnaissable, fatigué, un peu éteint et donnant l’air d’avoir rétréci. Mais de son visage émacié et maigri, ses yeux devenus encore plus grands continuaient à briller de cette intelligence naturelle et cet esprit enjoué et moqueur d’un homme authentique qui savait respecter un engagement sans jamais se prendre au sérieux.
Mais la maladie a eu raison de sa solidité et de sa résistance. Il s’en est allé avec le sentiment du devoir accompli, laissant une tribu de grands photojournalistes et une immense mémoire photographique que l’Etat serait bien inspiré de s’y intéresser.
« La vie continue » avait-il coutume de dire, pour dédramatiser toute situation prenant une grave tournure. La vie continuera, mais la place derrière le point de corner du stade olympique, ou dans le coin de l’avant-scène du Théâtre municipal sera désormais vide. La présence de Habib H’mima avec son gros regard malicieux, son rire communicatif et son geste fraternel manqueront à ses amis, à ses confrères, à tout le Tunis heureux et vivant.
Adieu Habib. Que Dieu vous accueille dans son infinie miséricorde.