Le 27 février 2023, le président Macron, à la veille d’une tournée en Afrique centrale, assurait que « l’Afrique est devenue une terre de compétition », une manière de répéter, de confirmer que la « françafrique », c’était vraiment terminée, ce qu’il disait depuis son arrivée à l’Elysée en 2017. Il annonçait une nouvelle stratégie, la cogestion des bases militaires avec les pays où elles se situent.
En novembre, un rapport présenté à l’Assemblée nationale présentait la France « déstabilisée dans une Afrique en pleine mutation » et concluait qu’il fallait « reconstruire une offre stratégique claire. » Dans la foulée, le 2 février 2024, Emmanuel Macron confiait à l’ancien ministre et maire de Mulhouse, Jean-Marie Bockel, la mission de « refonder » les relations de la France avec les pays d’Afrique où se trouvent encore des bases militaires – le Gabon, le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Tchad, où environ 2 500 militaires sont déployés.
Lundi, il rendait compte au président et insistait sur la nécessité d’une nouvelle approche de la coopération militaire. La fin des bases perçues comme un vestige néocolonialiste, mais un remodelage fondé sur le respect de la souveraineté et la confiance, qui n’incluait pas de départ.
Le nouveau président du Sénégal, Diomaye Faye, élu sur un programme de retour à la souveraineté nationale, qui n’avait pas accueilli Jean-Marie Bockel, en raison de la campagne électorale en cours, n’a pas laissé à son homologue français le temps de s’exprimer sur l’avenir des bases militaires. Fort du triomphe de son parti, le Pastef aux législatives du 17 novembre (130 sièges sur 165), il a demandé ce jeudi à la France de fermer ses bases militaires.
«Le Sénégal est un pays indépendant et souverain. La souveraineté ne s’accommode pas de la présence de bases militaires dans le pays», a-t-il affirmé. Et il a ajouté : « La France a esclavagisé, colonisé, et est restée. Si vous inversez les rôles, vous concevrez très mal qu’une autre armée puisse avoir une base militaire en France ». « Pas de rupture », a assuré le président sénégalais, simplement la volonté d’un autre partenariat : «La France reste un partenaire important pour le Sénégal au regard du niveau d’investissements, de la présence de sociétés françaises et même de citoyens français qui sont au Sénégal».
Mahamat Idriss Déby Itno qui avait été adoubé par Emmanuel Macron.
Quoiqu’il en soit, et même s’il n’y a pas forcément de sentiment anti français, c’est un camouflet de plus pour la France en Afrique, déjà chassée du Mali, du Niger et du Burkina Faso. Une perte d’influence continue dans son ancien « pré carré » qu’elle tente de combler avec de nouveaux partenaires. Paris vient de dérouler le tapis rouge pour le président Bola Tinubu à la tête d’un pays d’avenir, le Nigeria, 223 millions d’habitants et 60% du PIB de la Cedeao.
« Le 21ème siècle pourrait être – et doit être – le siècle de l’Afrique. Nous devons puiser dans la richesse naturelle, humaine et entrepreneuriale du continent pour en faire une réalité » proclamait en février 2023 le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres au sommet de l’Union africaine à Addis Abeba. Le président du Bénin, Patrice Talon, pense, lui, que « pour l’Afrique, le présent, c’est la Chine ».