Sid’ahmed. J’ai le cœur gros de ton départ. Voilà plus de dix ans que l’on ne s’est pas vu. Depuis ton dernier concert au Théâtre municipal. Tu es tombé malade tout de suite après, et tu as préféré te dérober aux yeux de tes amis. C’était ton choix et on l’a respecté. Mais aujourd’hui, alors que tu nous laisses à notre triste solitude, je ne sais pas si je ne dois pas regretter de ne pas avoir insisté, de ne pas avoir forcé la porte de ta farouche dignité pour te dire un dernier mot, pour te faire un dernier salut.
Je me souviens encore de notre première rencontre. C’était en 1979.Tu venais de remplacer au pied levé Jean-Pierre Nicollet à la tête de l’Orchestre symphonique et je venais d’être nommé responsable du service culturel au journal La Presse. Notre amitié durera plus de quarante ans au cours desquels j’ai pu apprécier tes grandes qualités morales d’homme intègre, généreux, patient, fidèle en amitié et foncièrement bon. J’ai pu découvrir aussi, surpris à chaque fois, les multiples facettes de ton talent d’artiste.
Tu étais un brillant compositeur, tu étais un habile arrangeur, tu étais un bon violoniste. Mais c’est dans la direction d’orchestre que tu donnais toute ta mesure. Trente-et-un ans que tu as tenu la baguette du chef de l’Orchestre symphonique. Tant et si bien que tu étais devenu le monsieur-symphonie tunisien. Tu sus transformer cet orchestre, à la fois, en un espace de découverte des belles musiques, en une école du bon goût artistique, en un espace de perfectionnement des jeunes instrumentistes, et en une destination des grands musiciens qui affluaient des quatre coins du monde.
Faut-il oublier que tu dirigeas également le Conservatoire national de musique et de danse pendant plus de vingt ans? Et que tu enseignas à l’Institut supérieur de musique? Ton départ laisse un énorme vide dans la vie musicale nationale et une peine profonde dans le cœur des milliers de tes amis, collègues, étudiants ou simples mélomanes qui avaient pris l’habitude de venir chaque dernier jeudi du mois assister à tes concerts au Théâtre municipal.
Quant à moi, je perds un compagnon et un maître qui m’a initié à l’amour des grandes musiques. Grâce à lui j’ai pu comprendre cette phrase du génial musicien allemand Beethoven « la musique est bien plus haute que toute sagesse et toute philosophie ».
Adieu maestro, adieu Sid’Ahmed!