Vladimir Poutine n’a pas dit un mot sur Alexeï Navalny qui risque de mourir faute de soins adaptés dans un hôpital carcéral. Il simplement laissé entendre qu’il ne fallait pas trop le chercher, qu’il était maître chez lui et qu’il réagirait. L’Occident, les Etats-Unis en tête, monte sur ses grands chevaux, prêt à accuser l’ancien lieutenant-colonel du KBG de meurtre d’un opposant. « Nous ne sommes pas prêts à accorder un statut spécial catégoriel pour certains groupes de gens accomplissant des peines à raison de leurs crimes ou délits. Un crime ou un délit est un crime ou un délit et seulement cela, ce n’est pas politique » a-t-il été répondu à ceux qui réclamaient davantage de clémence, d’humanité envers un gréviste de la faim qui faisait connaître à l’extérieur ses conditions de sa détention et sa détermination à se battre pour sa cause. Qui a prononcé cette phrase? Pas Vladimir Poutine, mais Margaret Thatcher, la libérale Première ministre britannique en 1981. Le gréviste de la faim s’appelait Bobby Sands, 27 ans. Il avait été condamné à 14 ans de prison mais n’avait tué personne, commis aucun attentat mais était possesseur d’une arme prohibée… Le 5 mai 1981, Bobby Sands meurt au 66e jour de sa grève de la faim et en guise d’éloge funèbre, Mme Thatcher déclare. «Monsieur Sands était un délinquant condamné. Il a fait le choix de s’enlever la vie ». Neuf autres grévistes de la faim, solidaires de Bobby Sands, mourront avant la fin août dans l’indifférence totale de Londres. Quoique prisonnier, Bobby Sands avait été élu en avril député à la Chambre des communes. Sa mort donna un élan au Sinn Fein qui devenait un parti de masse et allait au fil des années abandonner la violence meurtrière pour la paix.
Alexeï Navalny pourrait-il suivre une voie à la Sands, susciter un vaste mouvement qui mène Poutine à l’échec, à la non réélection? Il en est à trois semaines de grève de la faim, interrompue à l’hôpital carcéral, mais semble fragile surtout après la tentative d’assassinat de l’été dernier. Les manifestations en sa faveur mercredi n’ont pas été autant suivies que celles de janvier et la cote de Navalny ne montait pas. Pratiquement ignoré des médias officiels, l’opposant ne serait vraiment approuvé dans ses actions que par 20% des Russes, sa chaîne Youtube est regardée par 4,8 millions de personnes. Il est plus médiatique que politique et sait frapper là où ça fait mal, sur la corruption. Il n’a pas de programme et l’on pourrait même s’étonner que les Européens et les Américains soutiennent un tenant du populisme qu’ils combattent chez eux… Toutefois, même si certains le voient comme un instrument, un pion dans une lutte plus vaste contre la politique russe et son expansion vers les pays de l’ancienne URSS, il faut, au nom des droits humains et de la démocratie, se ranger du côté de Navalny. La grogne monte et le parti présidentiel Russie Unie est en baisse mais dans les urnes, l’opposition, c’est d’abord le parti communiste légèrement devant l’extrême droite. Sans parti, le détenu politique, condamné sous de faux prétextes, pèse peu. Mais la question se pose: peut-il déclencher un vaste mouvement anti-Poutine. La question est là…