Pour l’Algérie comme pour le Maroc, il s’agit d’une cause sacrée. Aucun compromis n’est possible, on est pour l’un ou pour l’autre et cela fait pratiquement cinquante ans que ça dure. Les deux pays sont au bord de la guerre pour ce Sahara occidental qui les oppose. Avant la marche verte de 1975, Hassan II avait tenté de trouver un accord avec son voisin en lui offrant des garanties et, notamment, un accès à l’océan Atlantique. En vain. Alger se retranche derrière le droit international et exige, comme l’a demandé l’ONU en 1991, un référendum qui mènerait à l’autonomie, voire à l’indépendance. Evidemment sous « protection » algérienne. Mais, les deux pays, et l’ONU, n’ont jamais réussi à déterminer qui avait le droit de vote, qui était vraiment sahraoui. L’option référendum était enterrée et, en 2007, le Maroc proposait un plan d’autonomie du Sahara occidental sous souveraineté marocaine. Inacceptable pour Alger qui restait sur sa position et ne coopérait guère avec le représentant onusien pour faire avancer le dossier. Au contraire.
Pour Alger et Rabat, au-delà du Sahara, c’est une question d’orgueil, de domination, de suprématie régionale née de différends frontaliers et de la guerre des sables perdue en 1963 par l’Algérie. La rivalité semble sans fin et nuit au développement régional. La belle idée de l’union du Maghreb arabe n’y a pas survécu…
Pour Alger ou pour Rabat ? La France essayait de maintenir un équilibre et, ce faisant, irritait les deux qui ne cessaient de durcir leur position. En 2022, l’Espagne, en approuvant le plan marocain, en a fait les frais avant que la situation se renormalise. A Paris, le président Macron a cherché pendant des années une réconciliation durable avec son ancienne colonie, mais il était très difficile de faire avancer les projets. Si Macron et Tebboune affichaient en public une bonne entente, l’Algérien ne cessait de reporter sa visite d’Etat en France car son but, celui des généraux qui dominent le pays, est d’amener Paris à résipiscence. Même s’il s’en est excusé, Macron n’avait pas tort quand, en 2021, il déclarait que « le système politico-militaire de l’Algérie » est basé sur « une rente mémorielle ».
Ce souci français de ne pas trancher n’était pas apprécié par le souverain chérifien et les relations entre les deux pays se dégradaient. Mais, si entre Paris et Alger, on s’enfonçait dans les malentendus et la méfiance, un rapprochement était à tenté avec Rabat.
Aujourd’hui, les autorités algériennes affirment que la France a cédé à un chantage de Mohammed VI. Peut-être, a-t-il été plus convaincant que Tebboune, mais les réalités économiques ont été prises en compte dans la décision de Paris : le Maroc est beaucoup plus ouvert aux industriels français et aux projets bilatéraux que ne l’est l’Algérie à l’économie encore basée sur les énergies fossiles. Et puis, alors que l’Algérie, qui ne cesse de se prétendre la meilleure et la plus forte, semble en recul, le Maroc est de plus en plus apprécié par les pays du Sahel.
Dans cette affaire, on oublie trop les Sahraouis qui vivent, quasiment prisonniers, dans les camps de la région de Tindouf, maltraités par des gangs qui se livrent à toutes sortes de trafics et que les autorités du Polisario et d’Alger ne contrôlent pas. D’ailleurs, elles profitent, elles, des richesses de la région. Côté marocain, au contraire, on constate un réel développement économique que le plan d’autonomie – applicable d’ailleurs à toutes les provinces du royaume- ne peut qu’accélérer.
A noter enfin que ce conflit est aussi à analyser dans le cadre de la rivalité de plus en plus dangereuse entre l’Occident et les autocraties emmenées par la Chine et la Russie.